"L'aventure, c'est le réalisme de la féerie" (ANDRE MALRAUX)

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mardi 25 mai 2010

ETUDE DE "LE COMMUNISME,UNE PASSION FRANCAISE" DE MARC LAZAR.


ANALYSE DU LIVRE DE MARC LAZAR, « LE COMMUNISME, UNE PASSION FRANCAISE » ; PERRIN, 2005.


Nota bene: les passages en italiques signalent mes additifs au corpus.

En 1994, THEODORE ZELDIN, historien britannique (professeur à Oxford) publiait son « Histoire des passions françaises (1848-1945) ». L’ouvrage eut en France un très fort retentissement, suscitant les éloges convergents d’Emmanuel Todd (« L’invention de la France »), d’Alain Corbin (« Le miasme et la jonquille ») ou du grand antiquisant Claude Nicolet. Reprenant une vision « braudélienne » de l’Histoire –temps long, éclairages historique, sociologique, psycho-sociologique…-, Zeldin offrait non pas une éniéme Histoire de la France, mais une histoire de ses représentations, de ses « passions ». Le communisme, issu des racines intellectuelles de la France contemporaine, mais passé par le tamis de l’expérience soviétique a connu, à travers le destin du PCF, une amplification « passionnelle » déclinée à partir de dates –balises (1917, 1920, 1936, 1947…) et surtout à partir d’engagements intimes (Aragon, Picasso, Eluard, Yves Montand…). Le communisme, en France comme ailleurs, relève d’avantage du structurel que du factuel. Il y a une poésie communiste, un art communiste, une esthétique communiste, une éthique communiste. Le communisme débouche chez nous sur une sorte de « fait civilisationnel ». Faut-il rappeler la belle intuition de Raymond Aron, parlant pour les deux grands totalitarismes du XX° siècle de « religions séculières » ? Marc Lazar tente, dans cette optique, d’écrire une sorte de « voyage en communisme » comme Etienne Cabet, socialiste utopiste du XIX° siècle, rédigeait en 1840 son « Voyage en Icarie ». Il nous propose un livre d’histoire politique comparée, un livre de psycho-sociologie et une étude au fond sémiologique des représentations et de leur impact dans l’espace et le temps de la France contemporaine.

Préface.

-Il s’agit de « saisir la profonde consistance politique et idéologique du communisme, sa texture sociétale et son épaisseur culturelle » (ML). On part d’un paradoxe : le déclin du PCF n’entraîne pas celui du référentiel communiste (voir les sursauts aux présidentielles de 2002 ou lors du referendum sur la constitution européenne en 2005) qui continue à influencer « les débats et les pratiques de l’ensemble de la gauche » (idem). Pourquoi cet enracinement et quel est son héritage ?

-5 grandes « passions » : soviétique, française, totalitaire, sociale et la passion globale du « bonheur » (au sens où Saint-Just parle du « Bonheur, une idée neuve en Europe » en 1790). Mais aussi une polyphonie originale où l’internationalisme s’agrège ou se superpose à la passion « nationale ». La permanence d’une « contre-culture » nous dirions aujourd’hui « alternative » qui survit au Parti lui-même dont les structures organisationnelles mettent du temps à disparaître et peuvent, à l’occasion, être recyclées. Tout cela, joint à l’indulgence dont bénéficie le PCF relativement à son histoire en France explique sa résurgence réelle ou « subliminale ». Lazar en veut pour preuve l « imago » positive dont jouit OLIVIER BESANCENOT depuis 2005 : un mélange de révolte, d’insolence, de simplicité (le Facteur) et de séduction médiatique. Même si le signifiant « communisme » pêche par défaut de signifié, l’idée reste « belle » pour 53% des sondés de 2003. (On songe ici à la formule poético-politique de JEAN FERRAT, auteur-compositeur, « compagnon de route » du PCF depuis le début des années 1960 et décédé il y a peu :

« C’est un joli nom camarade,

C’est un joli nom, tu sais,

Qui marie cerise et grenade

Aux cent fleurs du mois de mai… »

Depuis peu, les chapelles néo-communistes surfent sur le « protestataire », la détestation des élites, la condamnation du stalinisme nettement distingué (posture réglementaire des intellectuels communistes) du communisme « originel » et la recherche d’un ancrage dans l’horizon démocratique par le référent non moins réglementaire au demeurant (cf la « démocratie participative » de S.Royal) à la démocratie directe. Plus fondamentalement, le néocommunisme se recycle dans l’altermondialisme, avant tout « antilibéral », terminologie « post-moderne plus « branchée » du bon vieil anticapitalisme du XX° siècle. Son succès sera amplifié par les liens entre chapelles néo-communistes et gauche socialiste (en 2005, Fabius ratisse large et s’affiche avec José Bove dans une même hostilité à l’Europe « libérale »), mais aussi par une vision « universaliste » du repli français que la gauche oppose –difficilement- au repli nationaliste d’un le Pen ou d’un de Villiers.

*On touche ici aux liens, analysés depuis longtemps, entre extrême-droite et extrêmes-gauches, à leur alliance objective au cours de notre histoire. Dans le tome I de ses « Origines du totalitarisme » -cf son analyse sur mon blog dans la rubrique « GRANDES LECTURES »- Hanna Arendt évoquait le rapprochement entre extrême-droite, boulangistes et militants du POF de Jules GUESDE contre le « capitalisme » et la « banque juive » au moment de l’affaire de PANAMA en 1889. Plus près de nous, le livre d’ANNE TRISTAN, « Au Front » (Gallimard 1987) étudiait les passerelles entre PCF déclinant et FN montant, en particulier dans les quartiers Nord de Marseille : elle montrait avec éclat comment des communistes désespérés, chômeurs, atomisés, désenchantés, cherchaient à retrouver dans la matrice « solidariste » du FN les camaraderies du « Parti » en déclin. Les manifestations parallèles ou successives des droites extrêmes et des gauches en 1934 ne sont pas sans révéler des comportements comparables. Plus globalement, sur la question des parallélismes entre communisme et fascisme, mais dans une tonalité proche de celle de Marc Lazar, il faut lire l’ouvrage-clef de FRANCOIS FURET, « Le passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XX° siècle » (1995) qui radioscopie les postures communistes et la destinée de leurs représentations, en particulier en France (patriotisme, antifascisme,etc.). La partie « LECTURES PARALLELES » de cette fiche proposera une analyse rapide et des extraits éclairants du texte de FURET.

On notera que page X de sa préface, Lazar évoque la posture antiparlementaire de la gauche socialo-communiste au moment en 2005 et son étrange conversion au referendum, un mode d’accès qu’elle condamnait historiquement depuis de Gaulle. Or, antiparlementarisme et « appel au peuple » appartiennent surtout au vocabulaire des droites, bonapartiste voire fascisante !! De 2005 à 2007, via la peur du « fascisme » en 2002 et la critique obsessionnelle du sarkozysme comme dérive autoritaire, la gauche socialiste montre sa perméabilité aux thèmes du néocommunisme : il faut convoquer ici des éléments supplémentaires à ceux qu’avance avec justesse Lazar :

-Les socialistes disait-on naguère, ont toujours « mal à leur parti communiste » depuis la rupture de 1920. Le PCF les a privé globalement de la « classe ouvrière » et de la charge révolutionnaire afférente à celle-ci.

-Depuis, les socialistes vivent dans le deuil de « l’illusion lyrique « (Malraux) révolutionnaire et craignent de devoir se convertir à une social-démocratie qu’ils détestent dans la mesure où…

-socialisme et communisme français sont issus de la même matrice marxiste avec laquelle ils n’ont jamais vraiment rompu, à l’image des socio-démocrates allemands en 1955. Le choix de MARTINE AUBRY comme Premier Secrétaire est à cet égard éclairant : posture de rupture antilibérale, revitalisation de la « culture ouvrière »,etc.

Page XIII, ML met en lumière, à propos de l’émergence des classes moyennes de la fonction publique, ce mélange détonant entre thèmes « universalisants » et « libertaires » et thèmes protestataires, protectionnistes, nationaux, anti-européens et anti-américains. Cet aspect n’est pas sans nous rappeler le balancement des communistes, dans les années trente, entre défense des « étrangers » et xénophobie électoraliste, « passion » internationaliste kominternienne et « passion » patriotique issue du terreau idéologique de la Révolution française (« Patrie en danger », guerre aux Rois », exportation par l’armée de l’an II des valeurs révolutionnaires françaises en Europe ,etc.).

-Sur ce dernier point, voir mes analyses dans OLIVIER MILZA ; Immigration et politique en France , Ed. Complexe, 1985.

…en d’autres termes, le mouvement communiste en France, au sens large, oscille toujours entre « passion révolutionnaire » et « raisons corporatives ».

La présente étude comportera deux parties :

1. L’analyse critique de l’ouvrage en mode linéaire : on y trouvera pour chaque chapitre un résumé des grandes idées et, en caractères italiques, mes additifs à partir de réflexions personnelles et/ou d’éclairages complémentaires.

2. Un aperçu rapide et synthétique des thèses développées par FRANCOIS FURET dans « LE PASSE D’UNE ILLUSION » (cf supra) sur la thématique de Lazar et d’HANNAH ARENDT dans les « Origines du totalitarisme » (cf Blog in « Grandes lectures »). Des extraits de ces deux auteurs.

3. Une bibliographie et une filmographie.


Introduction.

ML annonce bien qu’il écrit, non une histoire du PCF mais de ses représentations dans la société française. Les étudiants devront donc répondre à des questions au deuxième degré, moins sur la pertinence des idées communiste que sur la sémiologie de leurs différentes apparitions.

-ML part du paradoxe d’un PCF en déclin depuis en particulier 2002 mais d’un mouvement néo-communiste d’obédience trotskyste en essor (14% des suffrages exprimés aux élections présidentielles de 2002). Un record européen. Reste que les « chapelles » de l’extrême-gauche, tout en surfant sur le protestataire (en particulier antilibéral et altermondialiste), ne peuvent rivaliser avec la « machine » (l’appareil) communiste et gêner vraiment la gauche comme le FN a gêné régulièrement la droite.

* Certes, mais l’extrême-gauche « tire » le PS (surtout depuis la disparition de Mitterrand, la période Jospin et le tournant à gauche de Martine Aubry) vers ses anciennes racines « révolutionnaires » lesquelles, dans les années 70-80, s’exprimaient en particulier dans le CERES (Centre d’Etudes et de Recherches Socialistes), aile gauche du PS, et prônaient une « rupture avec le capitalisme ».

-ML parle d’une « métalangue » communiste détachée de l’opinion réelle et qui surfe de manière alternative sur les postures protestataires, cherchant à fédérer en vrac les jeunes, les immigrés, les homosexuels, etc. ou joue de la nostalgie auprès des plus âgés.

*Depuis la fin des années 1960 et le début de sa longue agonie, le PCF, seul, ou télécommandé par Moscou, a su s’approprier des combats qui n’étaient pas les siens au départ :

-L’anticolonialisme et par extension le combat des immigrés ;

-Le « Mouvement pour la paix », véritable cheval de Troie des Soviétiques, et qui fut très actif au moment de la crise européenne des euromissiles, dans les années 1980 : on se doute que le slogan des jeunes pacifistes allemands – « Plutôt rouges que morts » »- devait aller droit au cœur de l’URSS !

-La mobilisation contre l’Apartheid sud-africain, au point que toute municipalité communiste qui se respecte doit posséder sa bibliothèque, ou sa place Nelson Mandela.

-Les sans-papiers et sans logis, très courtisés par M-G Buffet.

Ces combats, aux cadres suffisamment larges pour emporter une adhésion bien au-delà du simple PCF, permettent à ce dernier d’en toucher les dividendes, un peu comme la présence d’une star du show-biz à la « Fête de l’Humanité » autorise au minimum le PC de faire valoir, sinon une adhésion, du moins une reconnaissance. C’est la base de « l’agit-prop » (agitation/propagande) où les communistes passèrent maîtres à partir de 1917.

-ML du parle du PCF comme d’un « lieu de mémoire », auréolé de sa longue histoire après avoir joué de « l’avenir radieux » incarné par l’URSS. D’où l’intérêt porté à l’histoire du mouvement communiste qui rend compte de son audience. ML identifie ici 2 courants :

1. Une vision politique qui insiste sur la dimension totalitaire (A.Kriegel , résistante et communiste qui évoluera, après 1956, vers une critique radicale du communisme ; F.Furet, historien de la Révolution française, d’obédience communiste jusqu’en 1956 aussi, et dont « Le passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XX° siècle » constitue le réquisitoire le plus sévère sur l’expérience communiste ; S.Courtois, cheville ouvrière du « Livre noir du communisme »).

2. Une vision sociale plus « positive » qui identifies « des » communismes (« Le siècle des communismes ».

ML insiste sur la récurrence d’une posture de justification et de défense de l’expérience communiste, relevant ses invariants argumentaires :

1. Le stalinisme a « détourné » le communisme de sa « pureté originelle » ( c’est le credo des trotskistes en particulier). Mais cette pureté est intacte puisqu’autant le communisme ne s’est jamais incarné dans sa version originelle.

2. On épargne le PCF car il relève d’un « communisme d’opposition » associé, par les socialistes, voire par les radicaux, aux grands combats de la gauche (Cartels des années 1920-1930, Front populaire, coalitions de la IV° République).

En effet, on se trouve ici dans la symbolique du « Grand soir » plus que dans la réalité des coalitions de gauche. Rappelons le mépris à peine voilé de BENOIT FRACHON, un des leader de la CGT en 1936, à l’égard de Léon Blum, vu par les communistes d’abord comme un ancien « dandy » et un grand bourgeois. Paradoxe stimulant : les socialistes français n’ont jamais fait leur conversion social-démocrate, mais les communistes les ont toujours assimilé à la social-démocratie « réformiste,révisionniste et bourgeoise ». Sans doute les socialistes ont-ils sans cesse différé cette conversion, d’une part pour ne pas se couper de la « base » (ouvrière et possiblement révolutionnaire) et obtenir ainsi, de façon récurrente jusqu’à nos jours, une « Union de la gauche ». On est ici au cœur de la problématique de Lazar qui tend davantage à identifier des symboles qu’à analyser des stratégies politiques.

Dans un ordre d’idée approchant, rappelons le mythe durable de « l’anticolonialisme » de gauche, en fait construit à partir d’une réécriture a posteriori (les années 1960) des postures anticoloniales. La colonisation est une initiative républicaine destinée à étendre le prestige de la III° République, et par extension de la France, dans le monde. Au cours des années 1954-1962, les gauches entendent maintenir l’Empire dans le giron républicain, y compris les communistes qui, convertis depuis longtemps à « l’idée nationale » (cf chap. II de Lazar), votent les pleins pouvoirs à GUY MOLLET en 1956 et apprécient modérément le FLN algérien, trop nationaliste lui-même et trop…musulman !. Ce n’est que bien plus tard que les communistes –en particulier- récupérerons la posture de l’anticolonialisme (lié chez eux dialectiquement à « l’anti-impérialisme) dans leur posture de rechange internationaliste. Sur cette question, on pourra lire avec profit mes analyses dans OLIVIER MILZA ; « Les Français devant l’immigration », Ed. Complexe, 1988, où j’analyse les réactions de l’opinion et des partis face à la question de l’immigration depuis 1900.

3.Résistance, antifascisme, anticolonialisme : les trois postures traditionnelles des communistes. ML y voit en action une mémoire de la représentation fondée sur « l’exemple…la commémoration et l’identité », à partir de la sociologue MARIE-CLAIRE LAVABRE.

On reviendra sur l’analyse que fait F.FURET de la rhétorique de « l’antifascisme » (Partie 2 de notre étude). Concernant la résistance, véritable horizon symbolique du PCF, rappelons d’entrée les « standards » de ce chemin quasi sacral :

-Les « Lettres de fusillés » mis en scène par Aragon ou Eluard.

-L’élévation au rang de véritable Passion du destin du « groupe Manouchian », émanation de la MOI (Main-d’œuvre immigrée) dont les membres furent exécutés en février 1944 et qui donna à ARAGON l’occasion d’un poème vibrant –« L’affiche rouge » devenu un classique de la culture communiste.

-Le « topos » du Mont-Valérien et la Passion des jeunes communistes du type GUY MOCQUET ou JEAN-PIERRE TIMBAULT dont la mémoire est relayé par l’ensemble de la classe politique ( voir l’initiative du Président Sarkozy dans l’enseignement secondaire).

-Depuis 1945 enfin, le PCF (et le PCUS en général) ont su subtilement s’approprier ou faire converger vers le combat communiste de la II° Guerre mondiale le génocide des Juifs d’Europe, jouant de la présence de nombreux Juifs dans les résistances et de nombreux communistes dans les camps de concentration et d’extermination, via la rhétorique de l’antifascisme et la « libération » d’AUSCHWITZ, en fait abandonné par les Nazis, puis occupé par l’Armée Rouge dont les services de propagande surent « filmer » une « libération par les soviétiques » destinée à nourrir la propagande soviétique dans la Guerre froide balbutiante ( ML aborde cette question dans le chapitre II et F.FURET s’y attarde longuement dans les chapitres 7 et 8 du « Passé d’une illusion »).

-Antifascisme, résistance, Génocide : plusieurs intellectuels ou personnalités culturelles « compagnons de route » de l’après-guerre relayeront cette trilogie : JORGE SEMPRUN, écrivain et journaliste communiste espagnol, ancien déporté, fera la jonction avec l’épopée de la guerre civile espagnole et l’expérience concentrationnaire, moments forts de la « Geste » communiste et socialiste (scénariste pour « La guerre est finie » d’ALAIN RESNAIS en 1966 ou des « Routes du Sud » pour JOSEPH LOSEY en 1978).De son côté SIMONE SIGNORET, compagne de l’acteur-chanteur YVES MONTAND, évoquera dans ses romans autobiographiques ( « La nostalgie n’est plus ce qu’elle était » en 1976 et « Adieu Volodia » en 1985) le milieu des juifs communistes du XX° arrondissement pendant la Seconde guerre mondiale. ML reviendra dans les chapitres suivants sur ces relais culturels qui immergent autant de balises signifiantes dont la fonction indirecte consiste à fonder, à partir de faits réels, mais aussi de faits réécrits ou mis en perspective « esthético-idéologiques, une Légende du communisme qui explique la popularité presque intacte des communistes malgré les révélations sur l’envers du « paradis socialiste ».

ML en déduit que la popularité pérenne dont jouit le PCF en France s’explique par cette image (on serait tenté de dire imagerie) révolutionnaire dont il se revêt et qui perdure d’autant plus qu’elle participe de l’Histoire de France (p 18). L’objectif : s’arroger le monopole du cœur en faisant oublier d’autres acteurs (réformateurs sociaux, chrétiens, gaullistes…) qui ont œuvré tout autant aux réformes de structure du pays. Faire oublier par là même le mépris des communistes à l’égard du suffrage universel, le recours récurrent à la force « insurrectionnelle » (1947), l’opposition à la construction européenne. Il s’agit donc pour le communistes de surfer sur une image subliminale alimentée par une auto-représentation, elle-même construite à partir d’une littérature, d’un cinéma, de toute une culture de propagande. ML relève à ce niveau cette « aptitude à imposer la vision enchanteresse de sa propre histoire » Ajoutons, d’un point de vue général, le « mentir-vrai » de toute la production cinématographique soviétique depuis 1917 et, par extension, celui des cinémas de propagande du communisme international (Chine, Vietnam, Cuba,etc).

Pour légitimer une telle image, il importe de diaboliser au maximum le fascisme afin qu’il occupe tout l’horizon des totalitarismes. ML, s’appuyant sur une expression d’ALAIN BESANCON, parle de « l’hypermnésie » des communistes à l’égard du fascisme et, a contrario, leur amnésie face aux crimes communistes, toujours ramenés à des « dérapages », « accidents », « aberrations » ou « scories » On ajoutera la posture communiste permanente du « c’est pas pareil » ou du « les intentions de départ étaient bonnes » devant les mises en parallèle du fascisme et du communisme ; pour ce qui est des « bonnes intentions de départ », on rappellera l’argumentation a contrario de FRANCOIS FURET :

-Au plan philosophique et moral, il est plus grave de tuer avec de bonnes intentions qu’avec de mauvaises !

Chez les fascistes, il y a les ennemis de race, chez les communistes, il y a les ennemis de classe ». Autrement dit, rien ne distingue l’exécution d’un homme au nom d’une soi-disant infériorité raciale et l’exécution d’un autre au nom de son sa nocivité ontologique de classe (paysan, intellectuel « bourgeois »).

L’importance relative du PCF dans l’Histoire de la France s’explique encore par :

-le passage de la Guerre froide à travers la vie politique française ;

-l’importance du PCF dans cette vie politique, du « premier parti de France » en 1947 à son intégration dans les stratégies d’Union de la gauche jusqu’en 1978-1980.

-l’enchâssement du bolchevisme russe dans une « vieille dynamique révolutionnaire » et des passions françaises anciennes : Révolution française, passion de l’égalité,etc.

Rappelons ici que l’historiographie française de la Révolution de 1789 a été largement dominée, depuis « l’Histoire socialiste de la Révolution française » de JAURES jusqu’aux ouvrages de JEAN BRUHAT, d’ALBERT SOBOUL et de ses disciples au sein de l’université dans les années 1950-1970, par une approche marxiste (sans-culottes, luttes agraires,etc.) et l’idée d’une continuité dialectique entre 1789 et 1917. Contre cette Vulgate se sont levés des historiens comme DENIS RICHET et FRANCOIS FURET, refusant de prendre la RF « en bloc », et particulièrement la Terreur de 1793-1794 où d’aucuns verront d’ailleurs comme une préfiguration du totalitarisme.

Et ML de préciser comment le PCF a su user de « puissantes mythologies d’un impact considérable en France parce qu’elles étaient en prise avec d’importantes réalités politiques, sociales et culturelles ». Dans cette optique, le PCF a « cherché à s’inventer une filiation nationale qui légitimerait son dessein et à s’inscrire dans une continuité historique qu’il générait lui-même » (ML).

J’ai moi-même montré dans « Immigration et politique en France » comment, à partir de 1934, les communistes se recentrent sur une posture « nationale » en corrélation avec la nouvelle tactique kominternienne des « fronts nationaux » : on exalte la Marseillaise, Jeanne d’Arc et Paul vaillant-Couturier parle de « filiation entre les capétiens et les communistes ». Une attitude payante puisque, de 1934 à 1937, les effectifs du Parti remontent de moins de 30 000 à plus de 350 000 membres !

En 1945, Aragon, qui avait écrit on l’a vu « L’Affiche rouge » pour éterniser les combattants de la MOI, proclame que « Mon parti m’a rendu les couleurs de la France »,au moment où les communistes, tout en continuant de surfer sur la vague des étrangers résistants « morts pour la France », cherchent à estomper leur rôle. Sur cette question, cf OLIVIER MILZA ; « Immigration et politique en France », op cit, 1988, pp 53-70.

Et ML de rappeler quelques unes des postures opportunistes du PCF au cours de son histoire (p 24) :

-« Soutient » au combat des Algériens mais méfiance à l’égard du FLN jugé trop…nationaliste et musulman !! (cf O.MILZA, op cit.,pp 105 à 124).

-anticléricalisme et hostilité philosophique au religieux mais main tendue aux catholiques en fonction des stratégies électorales.

-Collectivisme mais défense de la petite propriété quand l’argument s’avère électoralement payant.

Au total, des « usages sociaux infinis » (ML) et une diversité de postures qui permet aux sympathisants de ne retenir que ce qui leur convient.

CHAPITRE I « LA PASSION SOVIETIQUE ».

A. Des liens de fer avec l’URSS.

Le PCF est au fonds la « fille aînée de l’Eglise communiste » et reste lié à l’URSS jusqu’en 1991. Il devient un parti de masse dans les années 1930 dans un pays nationaliste attaché à sa souveraineté.

En URSS, Lénine fait glisser, de 1917 à 1923 la terminologie de « Parti social démocrate ouvrier russe » à « Pari communiste de Russie » et en 1952, on parle de « PCUS ». On se détache donc progressivement des postures réformistes « social-démocrates » qualifiées désormais de « bourgeoises », « révisionnistes », « impérialistes », etc. A partir de là, l’état socialiste devient la « clef de voûte du communisme bolchevique » (ML) et la primauté de l’URSS découle de sa qualité de matrice de la révolution mondiale. A cette échelle, le PCF constitue un satellite par rapport à l’astre solaire soviétique que relaie en France les directives de Moscou et ce, jusqu’aux années 1980 (voir la crise des euromissiles). En 1920, à partir du Congrès de Tours, on parle de « SFIC » (Section Française de l’Internationale Ouvrière », dans la mesure où le futur PCF n’est qu’une antenne du Komintern. Il y a par la suite des période de convergence entre PCUS et PCF (l’antifascisme des années 1934-1939, la Résistance et l’inscription dans le camp soviétique au début de la Guerre froide) et des divergences ou à tout le moins des éloignements comme durant la durée du Pacte germano-soviétique entre août 1939 et juin 1941). Quoiqu’il en soit, jusqu’aux années 1970, le PCF choisit toujours in fine l’alignement. (En 1980, GEORGES MARCHAIS, Secrétaire général du PCF, approuvera et justifiera, au nom de « l’arriération de sa société », l’intervention russe en Afghanistan). D’où, des années 1920 aux années 1930, des « purges », des exclusions, des crises, jusqu’à l’alignement total autour d’un stalinisme aussi homogénéisant que le fut le bolchevisme. ML propose une périodisation en 4 temps :

1. 1930-1956 :une soumission complète du PCF à l’URSS

-Passage de la tactique « classe contre classe » ( les communistes s’en prennent d’abord aux partis bourgeois de droite ou de gauche) à celle des « Fronts nationaux » (alliances des gauches contre le fascisme) en 1934. D’où, en France, le rapprochement PCF-SFIO-Radicaux aboutissant au Front populaire. Cette posture perdure, malgré des tensions, entre 1944 et 1947.

-I° « incident » entre Paris et Moscou en 1956 quand le PCF condamne, par la voix de THOREZ, la …déstalinisation initiée par Khrouchtchev ! Par la suite, le PCF défend le bilan de Staline. Entretemps, les communistes avaient célébré avec faste les 70 ans de Staline en 1949 et les 50 ans de Thorez, appelé le « Staline français » en 1950.

2. 1956-1968 : premières lézardes.

-Des intellectuels communistes réclament plus de démocratie dans le parti et une ouverture culturelle. Ils sont exclus néanmoins.

-A partir de 1964 (mort de Thorez et remplacement par WALDECK-ROCHET), ce dernier tente quelques réformes et le PCF approuve certaines orientations du « Printemps de Prague » en Tchécoslovaquie. Au moment de l’intervention des troupes du Pacte de Varsovie à Prague (août 1968), le Parti se divise :

. Derrière JEANNETTE THOREZ-VERMEERSCH (veuve de l’ancien leader) : on ne condamne pas l’intervention.

. ROGER GARAUDY demande au contraire une attitude plus ferme à l’égard de Moscou. Il sera exclu en 1970 quand GEORGES MARCHAIS prendra la direction du parti.

Rappelons par ailleurs qu’en 1968 en France, le PCF, dénonçant le gauchisme comme la « maladie infantile du communisme » et une déviation « bourgeoise », s’en tient à la défense des travailleurs en grève. Il est vrai que Moscou ne souhaite pas de révolution en France qui remettrait en cause la « coexistence pacifique ». A noter que le PCF n’a pas senti que le mouvement de mai annonçait, non seulement la réémergence d’une extrême-gauche, mais aussi la montée de mouvements de libération sociétaux liés aux homosexuels (P.H.AR.), aux femmes, aux immigrés. Par ailleurs, le puritanisme communiste et son alignement sur une francité traditionnelle l’éloignait de la « fête révolutionnaire », en particulier de ses aspects libératoires en matière de mœurs. Paradoxalement, c’est le futur PS qui, à la fin des années 1970, engrangera les bénéfices de mai 1968, via des hebdomadaires à posture culturelle comme « Le Nouvel Observateur », relayant alors les « Lettres françaises » du PCF. A la fin des années 1960, le PC perd peu à peu son magister intellectuel, au moment où de nombreux « compagnons de route » quittent le navire au moment des événements de Prague. 1956 et 1968 marquent deux moments de rupture pour de nombreux intellectuels. Tandis que le chanteur JEAN FERRAT, pourtant fidèle parmi les fidèles, parle, pour qualifier l’entrée des chars à Prague d’un « printemps qui s’obscurcit », de son côté YVES MONTAND, autre compagnon de route, après avoir plaidé devant Khrouchtchev la causes des droits de l’Homme, interprète en 1970, pour le cinéaste COSTA-GAVRAS, le rôle d’un détenu pris dans les grands procès hongrois de la fin des années 1940, à partir du témoignage d’ARTHUR LONDON. « L’Aveu » sort sur les écrans parisiens 4 ans avant la publication en France du livre de SOLJENITSYNE, « Une journée d’Ivan Denissovitch », qui alerte l’opinion occidentale sur la réalité et la portée symbolique du GOULAG.

3.A partir des années 1970.

Prise de distance à l’égard de l’URSS et émergence de l’eurocommunisme avec les partis italien et espagnol. On laisse voir les divergences avec l’URSS sur les libertés et les voies d’accès au socialisme. Mais sur le fond, on soutient toujours le modèle russe dont les trébuchements sont attribués à « l’archaïsme » de la société pré-communiste ou aux assauts des « impérialistes ». On ne condamne pas la politique étrangère de l’URSS. Le PCF se divise en « orthodoxes » et « rénovateurs ». Enfin, l’Union de la Gauche des années 1978-1980 affaiblit le PCF.

4.1980-1991.

On renoue avec des postures plus traditionnelles : approbation de la guerre en Afghanistan en 1980, de la posture de l’URSS dans la crise des euromissiles et défense du de la tentative de putsch communiste contre GORBATCHEV en 1991.

B.Le modèle, le rêve.

-L’alignement sur l’URSS est d’abord le fait de militants et de cadres formatés en URSS et en France où, à partir de 1932, une « Section des cadres » les prend en charge à partir d’une matrice ouvrière et paysanne. De fait, la fidélité au PC, et partant à l’URSS, c’est la fidélité à l’égard de ceux à qui l’on doit tout.

-En découle l’émergence d’une intelligentsia communiste internationale, tout particulièrement en France que l’URSS chouchoute à partir de 1933 (disparition du Parti communiste allemand). Ce traitement de faveur rejoue à partir de 1947 et des débuts de la Guerre froide, dans la mesure où le PCF agit au sein d’une grande puissance européenne et coloniale de l’Europe de l’Ouest.

Tout cela est à replacer dans le cadre d’une stratégie continue depuis 1917 : déstabiliser l’Occident consiste pour le Komintern, soit à appuyer des révolutions (Hongrie de Bela Kun, Allemagne des Spartakistes, Espagne républicaine), soit à déstabiliser, précisément par l’instauration de PC de manière frontale, ou de manière périphérique en attisant les « luttes de libération nationale » dans les colonies (Indochine,Algérie au moment de la Guerre froide). Le Kominform et le jdanovisme relaient alors l’action du Komintern et le trotskysme. Tous les moyens sont bons alors, particulièrement la séduction culturelle : le cinéma soviétique tout au long de la période (17-91), le sport (patinage artistique, athlétisme, gymnastique) et le couple danse/folklore russe après 1945. On ne dira jamais assez la séduction qu’exercèrent les « Chœurs de l’armée rouge », régulièrement réunis au Palais des Sports à Paris, sur un public français au-delà même des sympathisants communistes. (Sur ce dernier point, voir le film de JEAN-JACQUES ZILBERMANN , « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes » en 1993).

-C’est le temps des intellectuels « compagnons de route » de 1920 à 1956 surtout, malgré quelques « couac » comme les cas de Panaït Istrati ou André Gide (« Retour d’URSS » de 1936).

Dans le monde ouvrier :

-adhésion au rêve de la libération sociale et de la promotion de la classe ouvrière.

-Réaction provocatrice à l’égard du patronat, comme ces sidérurgistes lorrains de 1953 qui portent le deuil de Staline tout en aimant bien…Humphrey Bogart !

Rappeler ici le même balancement d’IVO LIVI (dit « YVES MONTAND »), chanteur et acteur proche des communistes, qui alla se produire en URSS tout en menant une carrière holywoodienne qui lui valu de rencontrer Marilyn Monroe avec laquelle il eut une courte liaison. En général, les milieux communistes ressentent un attrait inavouable pour les USA, pays des « comics » et de la modernité futuriste. L’hebdomadaire « Vaillant », destiné aux jeunes, s’efforce de promouvoir une BD ouvriériste à travers des « héros positifs » comme « Totoche », le gosse des banlieues ou une réécriture « sociale » des luttes historiques du peuple français. Une rivalité de « guerre froide » l’oppose à « Spirou » et plus encore à « Pilote », plus ouverts à la BD américaine. Il importe aussi de se démarquer de « Cœurs vaillants », le journal pour jeunes d’obédience catholique. « Vaillant » consacrera de nombreuses rubriques à la conquête soviétique de l’espace (Le Spoutnik, Gagarine) présentée comme une grande aventure scientifique au service de la paix !

-A partir des années 1980 (révélations sur l’envers du « modèle » soviétique, le Goulag à partir des livres de Soljenitsyne), l’URSS cesse d’être un modèle mais reste une référence mythique. P.57, ML évoque la vision de l’URSS dans l’enseignement public (réalisations sociales, modernité…) du fait des liens organiques entre syndicalisme enseignant (SNES, SGEN-CFDT) et gauche socialo-communiste. L’URSS, même critiquée, apparaît ici comme l’alternative au capitalisme et la dépositaire d’une « perspective révolutionnaire ».

On ajoutera :

-Le prestige du « Grand-frère » dans les pays du Tiers-monde jusqu’en 1991.

-Le passage de l’anticapitalisme des années 50-80 à l’antilibéralisme actuel qui ratisse large, de Besancenot/ M.G Buffet jusqu’à la gauche du PS et, chez ce dernier…

-Les divisions entre « gauche de la gauche » et « sociaux-démocrates », rejeu du vieux conflit entre réformistes et révolutionnaires.

Mais la popularité de la posture communiste doit compter aussi avec :

-l’anti-atlantisme ou le simple souhait d’une « indépendance nationale » qui peut déboucher sur une certaine « indulgence » à l’égard de Moscou, depuis de Gaulle jusqu’à VGE qui, en voyage officiel en URSS en 1977, refuse de rencontrer le dissident AMALRIC.

-l’anti-américanisme du PCF après 1945 rejoint la vieille tradition droitière « de l’anglophobie, de l’anti-protestantisme et de l’antiparlementarisme » (MAURICE AGULHON).

-L’effet « Stalingrad » et l’antifascisme aboutissant à l’équation : « on a gagné, donc on a raison ».

Ajoutons à ce stade le double objectif de l’utilisation de la libération des camps d’extermination nazie par l’Armée rouge :

-On est pour toujours le camp de la démocratie, de la paix et de la liberté ;

-Il ne peut y avoir de « camps » dans le pays qui les a libérés !

Rappelons à cet égard l’exploitation semi-mensongère de la « libération » d’Auschwitz par les media soviétiques : abandonné par les nazis qui tentent de détruire toute trace des chambres à gaz et des crématoires, le camp, ouvert, voit fuir vers l’Ouest les déportés rescapés. Plus tard, l’Armée rouge investi le camp et filme une « libération » soviétique. Plus largement, dans les années qui vont suivre, les communistes s’approprieront le thème des camps, jumelé à celui de l’antifascisme, insistant sur la personnalité des juifs communistes même si, parallèlement, se prolonge en URSS un antisémitisme rampant bolchevique qui va trouver son point d’orgue, en 1948, avec la création de l’état d’Israël déclenchant à Moscou un antisionisme virulent à deux effets : le complot dit des « blouses blanches » (les médecins juifs de Staline accusés de vouloir assassiner leur patron) et, lié à lui, le projet Staline/ Beria de déportation des Juifs russes vers l’Est. On sait enfin que les Juifs seront interdits d’émigration vers Israël jusqu’en…1989 ! Faut-il rappeler d’ailleurs l’épuration violente de la communauté juive d’Odessa dès 1917-1920 et la disparition au Goulag du poète ISAAC BABEL ?

-Le contexte de reconstruction « planifiée » des économie européennes (en particulier française) après 1945, dans un cadre néo-keynésien, et qui voit désormais dans l’URSS, moins un « sujet révolutionnaire » qu’une « expérience constructive de modernisation autoritaire des sociétés » (ML).Welfare state et interventionnisme d’état (ordonnances de 1945, nationalisations, planification indicative,etc. ) rapprochent les stratégies française et russe.

-La continuité de 1789 (voir introduction).

CHAPITRE 2 « UNE PASSION FRANÇAISE ».

A partir de THOREZ, une alchimie astucieuse : le couple internationalisme/ racines françaises.

. Nation et gauche en France.

-Un pays qui fait de son exemplarité une universalité.

-Un nationalisme de gauche ouvert, nourri de l’héritage de la RF, des Lumières, de la Raison, des Droits de l’homme, de la République, de la laïcité. Différent du nationalisme fermé (traditionnaliste, xénophobe, agrarien…) de la droite. Bref, un nationalisme républicain.

Le lien s’effectue à travers Jaurès, socialiste d’abord républicain, qui publiera d’ailleurs une « Histoire socialiste de la Révolution Française » où sont mis en valeur les « soldats de l’an II » et leur « libération » de l’Europe de « l’oppression monarchiste » qui préfigure l’Internationale. Dans les meetings communistes, plus tard, on chantera « L’Internationale » et…la « Marseillaise ». Ce glissement permettra aux socialistes de voter les crédits de guerre en 1914 avec l’argument : nous allons combattre l’empereur d’Allemagne, pas le peuple allemand !

Citons ici deux couplets de l’Internationale, chant emblématique des communistes, qui illustrent a contrario combien on peut passer de la célébration de la nation à celle de la rébellion contre les « tyrans » et la guerre :

« Les rois nous soulaient de fumée

Paix entre nous, guerre aux tyrans

Décrétons la grève aux armées

Crosses en l’air, rompons les rangs.

Et s’ils veulent, ces cannibales

Faire de nous des héros

Ils sauront bien tôt que nos balles

Sont pour nos propres généraux ».

Les mutineries de 1917 sur le front de l’Ouest, celles de la flotte française de la mer Noire où s’illustreront deux figures du PCF, CHARLES TILLON et ANDRE MARTY, celle, hautement exploitée par la propagande cinématographique soviétique (EISENSTEIN), du POTEMKINE (un demi-siècle plus tard, JEAN FERRAT y consacrera une de ces plus célèbres chansons) y sont en gestation !

. Communisme et nation.

1. 1917-1934 : une phase internationaliste anti-guerre : contre « l’Allemagne paiera » de Poincaré entre 1919 et 1923 (Occupation de la Ruhr) ; contre la guerre du Rif au Maroc en 1924-1925 quand les communistes adoptent une posture anticoloniale. On est pour une « République universelle des soviets ». Au plan du Komintern, c’est la tactique « classe contre classe » (voir supra).

2. 1934 : revirement de l’URSS, donc du PCF ; adoption, contre la montée du fascisme, de la tactique des « Fronts nationaux » et alliance avec les partis bourgeois (naguère honnis) : SFIO, Radicaux. En juin 1934, THOREZ propose d’élargir l’alliance aux classes moyennes et déclare que les communistes « aiment leurs pays ».

Le tout dans le contexte de la conversion de Staline à la « défense nationale », illustrée par le Pacte franco-soviétique du 2 mai 1935 signé par LAVAL.

Le 14 juillet 1935, JACQUES DUCLOS (PCF), à l’occasion d’un rassemblement du Front Populaire à Montrouge, fait l’éloge du drapeau rouge et du drapeau tricolore, de l’Internationale et de la Marseillaise.

En janvier 1936, THOREZ parle de « l’Union de la nation française ».

3. Pacte germano-soviétique et revirement à nouveau. On dénonce la « guerre impérialiste » de la GB et de la France contre l’Allemagne nazie ( !). A l’été 1940, JACQUES DUCLOS négocie avec les autorités allemandes la…reparution légale de « L’Humanité ».

4. Retournement : juin 1941 lance les communistes dans la résistance (FTPF). Parallèle entre la lutte des partisans russes et celles des communistes français, d’autant que Staline a lancé une nouvelle propagande, par l’affiche et le film, prônant la lutte du peuple russe contre les allemands (« communisme » et « fascisme » sont laissés de côté) avec l’exploitation cinématographique (« Alexandre Nevski » d’EISENSTEIN) des luttes séculaires entre la « Rus » originelle et les « hordes teutoniques »). « Mon parti m’a rendu les couleurs de la France » écrira ARAGON, tandis-que le PCF s’autoproclame « parti des 75 000 fusillés » et que J.P.TIMBAUD et GUY MOCQUET (jeunes résistants communistes exécutés par les nazis) sont érigés en icônes nationales. On les rapprochera, côté soviétique, de la jeune Komsomol (Organisation des jeunesses communistes) ZOÏA KOSMODEMIANSKAÏA, torturée et pendue par les SS le 29 novembre 1941. En un raccourci saisissant, l’écrivain WILLIAM T. VOLLMANN évoque l’assomption de la jeune partisane au firmament des martyrs intemporels :

« Le sang gelé de Zoïa, plus sombre que l’acier, fortifia les sabres brandis par les cosaques galopant sur les lourdes plaques photographiques du mythe. Sa mort devint un film (Soyouzdetfilm 1944), avec une partition composée par Chostakovitch. Des décennies après la guerre, les souvenirs de Zoïa se réincarnèrent dans la sorcière Lorelei, qui chante un irrésistible chant de suicide dans la symphonie « La Mort » du même compositeur. Entre-temps, le cadavre de Zoïa était devenu le paysage russe lui-même, et je ne parle pas uniquement de ces rues et de ces chars qui portèrent son nom ; la Russie devint réellement Zoïa… »

WILLIAM T. VOLLMANN ; « Central Europe », Babel, 2007, p.685.

Le PCF devient alors, de 1945 à 1947, le parti de la Reconstruction, celui de l’indépendance nationale qui fustige la SFIO comme le « parti des Américains » et qui développe une hostilité à la construction européenne. (Le PCF, comme le RPF de de Gaulle, fera capoter le projet de CED – Communauté européenne de défense).

Cette conversion durable à la Nation n’empêchera pas le PCF de rester la « fille aînée de l’Eglise rouge » (ML).

ML évoque donc la RF et de la Résistance comme deux « éléments » fondateurs de la mythologie du PCF, surtout à partir des années 1930, de la construction d’un « cycle révolutionnaire » allant de 89-93 à 1917, de l’appropriation, par les communistes, du rationalisme et des Lumières (p 76). Par la suite, cette alchimie permet de construire un binôme nation/ classe ouvrière à partir du binôme Résistance/ révolution débouchant sur la tautologie : la classe ouvrière, c’est la nation et vice-versa. Mais le PCF voit se lever contre lui de Gaulle, qui propose une version plus de continuité et d’ordre de la nation, dans une version plus « classique » (pp 79-80). Ajoutons la concurrence du néo-bonapartisme gaullien, de son populisme « boulangiste », voire même de sa passion d’une conception autoritaire du pouvoir avec ses équivalents communistes, mais beaucoup plus ancrés dans une tradition française. La concurrence PCF gaullisme, évoquée par ML dans cette section du livre, ressortit plus largement d’une concurrence pour la captation du « peuple » à partir de « standards » iconiques communs à la droite et à la gauche (Jeanne d’Arc, Vercingétorix ,etc. ). D’où la dénonciation récurrente à gauche de la « démagogie populiste » que pourtant cette famille politique peut parfaitement utiliser. (Voir, dans les années 1970-80, la posture xénophobe du PCF, très payante face au Front National de J.M.Le Pen et, pour la gauche globalement, le refus du « plombier polonais » en 2005 au nom d’une dénonciation de « l’ultralibéralisme » européen, mais qui cache en fait une « préférence nationale » très payante électoralement parlant. Citons enfin les dérapages langagiers de Georges Frêche, maire de Montpellier, à propos des Noirs et du facies de Laurent Fabius.

A cet égard, ML rappelle pp 83-84 la célébration, par les communistes, dès les années 1930, des provinces françaises, de leurs produits, bref, de leur « génie », autant de postures qu’on retrouve à Vichy, voire dans la rhétorique des Ligues. On pourrait ajouter que cette hommage au génie français relève aussi du temps de « l’Exposition coloniale » (1937) où la France affichait la diversité de ses « races », ce qui n’empêchait en rien la permanence d’un racialisme colonial. Enfin, ces parallèles expliquent en partie les glissements d’anciens communistes comme JACQUES DORIOT, ancien maire d’Aubervilliers (le « topos » par excellence de l’esthétique sociale communiste que photographièrent à l’envie un DOISNEAU ou un WILLY RONIS, sympathisants communistes prestigieux) vers le fascisme du PPF, ou le parcours de Laval ou de Marcel Déat, du socialisme à la collaboration. Le rappel que fait ML p 85 de la défense de nos vins de France par le PCF n’est pas sans faire songer à la défense de ces mêmes vins par PIERRE POUJADE (fondateur de l’UDCA) entre 1953 et 1956, contre Pierre Mendès-France, surnommé par le papetier de Saint-Céré, « Mendès lolo », ce « mauvais gaulois » qui entendait affaiblir les privilèges des bouilleurs de cru en faisant distribuer du lait dans les écoles lors de son cabinet de 1954-1955 !

Pp 86 -87 : la Fête de l’Humanité et la promotion des provinces :la défense du savoir-faire ouvrier rejoint ce me semble la célébration de nos prouesses techniques dans ce symbole que fut la « régie Renault » et les hauts lieux de ses luttes, Billancourt, Flins,etc.

Pp 88-89 : du « La France aux Français » des années 1930 au « Fabriquons français » des années 1970 : elle amène le PCF à n’apprécier que les « étrangers » qui s’assimilent ou les immigrés qui reviennent chez eux, ou bien encore les immigrés…communistes. Un Juif utile est un Juif de la MOI et un Arabe utile est un Arabe anticolonialiste. Mais dans les deux cas, le PCF refuse de reconnaître une spécificité ethnico-culturelle à ces hommes, dans la droite ligne de la posture léniniste de 1917-1921 refusant aux jeunes Juifs du Bund, ralliés au projet bolchevique, une quelconque représentation spécifique dans le Parti bolchevik. Dans la même ligne, le PCF reste assez silencieux lors de la manifestation du 17 octobre 1961 et de sa répression très brutale par la police, dans la mesure où le PCF ne reconnaît implicitement aux Algériens que le devoir de militer dans une mouvance communiste, donc « assimilée », c’est-à-dire non nationaliste et a-musulmane. (cf O.MILZA ; « Les Français devant l’immigration », op.cit.), pp. 105 à 128).

Conclusion de ML : internationaliste ou nationaliste, le PCF demeure une composante essentielle de la nation et de son histoire. Reste à savoir si cette référence dans l’ordre de l’action et de la pensée ne perdure pas uniquement dans les période de crises, politiques ou sociales, quand les comportements « protestataires » semblent justifiés momentanément : syndicalisme musclé et aux limites de l’illégalité d’un « Sud-rail », agit-prop des associations de défense des immigrés ou des sans-logis,etc. Toutefois, les élections présidentielles de 2002, comme l’échec des formations d’extrême-gauche aux dernières législatives et, a contrario, l’enracinement régional du Front National, démontrent que l’extrême-droite apparaît plus « crédible » dans ce comportement de « préférence nationale » que les différentes officines néo-communistes. D’autant que cette opinion se souvient davantage du communisme internationaliste « moscoutaire » que des postures nationales du PC qui, depuis 2007 en particulier, est victime à son tour de la captation d’héritage, Nicolas Sarkozy n’hésitant pas, comme candidat puis comme président, à convoquer Jaurès, la culture ouvrière et Guy Môcquet au profit de sa propre « ouverture ». Par ailleurs, l’opinion a souvent tendance à évoquer et à dénoncer le comportement « sectaire » des communistes. Quant à l’utilisation de l’antilibéralisme, son succès semble à géométrie variable, dépendant là encore des fluctuations de l’économie. En revanche, c’est à l’évidence dans l’univers de l’Education nationale, de l’Université et plus largement des intellectuels, encore très marqués à gauche, que le néo-communisme (ZIZEK, BADIOU) enregistre ces plus évidentes réémergences. Reste à évaluer le poids ce ces « chapelles » au plan politique. A l’évidence, le positionnement très « à gauche » d’une Martine Aubry (discours aux limites de la « lutte des classes », vigueur dans la dénonciation du libéralisme et de « la droite », ancrage ouvriériste du Nord, appels du pied moins au Modem qu’au PMA) peut surfer sur ce lobbying toujours actif.

CHAPITRE 3 : UNE PASSION TOTALITAIRE EN DEMOCRATIE

Le communisme est anticapitaliste parce-qu’anti-bourgeois.Partant, il ne peut qu’être qu’anti-démocratique, toute démocratie relevant à ses yeux d’une « démocratie bourgeoise ». Le communisme, visant la « dictature du prolétariat » à partir d’un parti de masse à direction révolutionnaire, procède d’un totalitarisme. Si le communisme tire ses origines de la « passion révolutionnaire » (FURET) qui travaille la démocratie française depuis ses origines, il sert donc de « révélateur à l’origine démocratique du totalitarisme ». Son objectif est d’utiliser les règles parlementaires pour faire avancer ses idées, tout en visant, in fine, à aiguiser la « lutte des classes » et à préparer la « guerre civile » légitimée par la « violence » de la bourgeoisie capitaliste. D’où la rupture avec le socialisme réformiste et républicain d’un Jaurès par exemple. A partir de là découle l’analyse marxiste du fascisme comme simple production de la bourgeoisie pour sauver ses intérêts et le devoir de l’antifascisme. Ce dernier procure deux avantages : faire oublier la réalité de l’URSS ( Goulag, répression permanente,etc. ) et acquérir une image de défenseur de la démocratie. Telle est la posture du PCF à partir de 1934 et jusqu’en 1939, au moment même où éclatent les grands procès de Moscou ! Bien plus, le PCF, dans sa logique récurrente de « classe contre classe », approuve le…pacte germano-soviétique d’août 1939 et dénonce de Gaulle comme « agent de la city ».

Rappelons qu’en 1926, les grèves en GB furent attisées en sous-main par l’URSS ce qui amènera, à partir de 1936, à la politique « d’appeasement » des conservateurs britanniques face à Hitler, une politique motivée en particulier par un anticommunisme puissant. Idem en France où une partie de la droite, et l’extrême-droite, choisissent l’alliance italienne (Laval, 1935) ou la conciliation avec Hitler pour les mêmes raisons. Le rôle de l’anticommunisme dans la construction des postures fascistes et nazies est au cœur des analyses de l’historien allemand ERNST NOLTE, en particulier dans « La guerre civile européenne, 1917-1945 »

A partir de 1944, le PCF devient le parti des « 75 000 fusillés », le parti de la Résistance, le sauveteur de la démocratie face au fascisme, auréolé de son entrée au gouvernement et de ses propositions alternatives dans le cadre de la reconstruction. Mais il continue, enfermé dans un ghetto politique et culturel (iconisation de Thorez, défense de l’URSS…), à dénoncer une démocratie assimilée au capitalisme, donc hostile à la classe ouvrière, donc à l’URSS !

Propagande, mode d’organisation, goût du secret et de la clandestinité, idéologie fondée sur une vision organique (le prolétariat) de la société, souci de faire naître un « homme nouveau » à partir d’une « attente millénariste » , etc., le communisme relève bien des totalitarismes. (A propos de l’attente millénariste et de « l’homme nouveau », notons les parallèles troublants avec les fascismes analysés par HANNA ARENDT dans ses « origines du totalitarisme », en particulier le tome 3, « Le système totalitaire » analysé en partie 2 de cette étude.Rappelons aussi la phrase terrible de François Furet dans « Le passé d’une illusion », op cit : « Chez les fascistes, il y a les ennemis de race ; chez les communistes, il y a les ennemis de classe »).

Quelles sont les dispositions françaises au totalitarisme expliquant l’enracinement du PCF en milieu démocratique ?

-La révolution française qui célèbre les libertés mais recèle une « virtualité illibérale ». Plus, la Révolution française veut faire table rase du passé, éradiquer l’ancien régime et développe une conception lumineuse de sa « vérité » qu’il faut protéger contre tous les complots. Tous ceux qui se lèvent contre la marche radieuse de la révolution sont des contre-révolutionnaires dont il faut se débarrasser. Le PCF, au même titre que les bolcheviks, considèrent que 1917 continue 1793, ce qui leur permet de s’approprier le jacobinisme. En France, cette captation de la Révolution et de 1793 renforce l’enracinement national des communistes.

(Note : en France, les historiens de la RF se partagent en deux camps : les proches du PCF, comme ALBERT SOBOUL, pour qui est évidente la filiation 1793-1917 et qui « tirent » la RF vers l’Est ; des auteurs comme François Furet, Denis Richet ou Jacques Godechot qui insistent davantage sur les liens « atlantiques » entre révolution anglaise, américaine et française. Cette coupure Est-Ouest de l’historiographie de la RF a lieu précisément au moment de la Guerre froide et opposent des historiens proches du libéralisme politique, dans un héritage tocquevillien –Furet dont la préface à la « Démocratie en Amérique », coll. Garnier-Flammarion, illustre à merveille cette direction intellectuelle- et des historiens communistes. On retrouve alors, chez ces derniers, la détestation des USA, typique des postures communistes au temps de la Guerre froide).

-Les communistes cultivent une « interprétation révolutionnaire de la république » à partir de là. Ils justifient leur volonté de s’emparer de l’Etat, d’en faire le vecteur de la révolution ( voir le parallèle avec la Grande Terreur Montagnarde et robespierriste de 1793-1794). Mieux, le « centralisme démocratique » du PCF semble « conforter le centralisme républicain et sa quête permanente d’uniformisation et d’efficacité ». Encore un parallèle avec le « despotisme de la liberté » de la RF et la passion pour la sans-culotterie parisienne, modèle de l’alternative « bourgeoise ».

-Appropriation par le PCF de toutes les modalités du « mouvement ouvrier » érigé en « ouvriérisme » quasi-biologique (cf chap 4).

-Il y a chez les communistes, comme jadis chez les Jacobins et les Montagnards, une haine des « privilégiés » et une méfiance à l’égard du parlementarisme. Elle justifie la mise en place d’un parti discipliné et militarisé, émanation –selon eux- d’un prolétariat en butte à la dictature bourgeoise. D’où le succès du PCF qui surfe sur les ambigüités du socialisme français, lui-même toujours déchiré entre réformisme et révolution.

-Face à la « démocratie bourgeoise », les communistes « font miroiter l’unanimisme chimérique et l’harmonie fictive d’une société… », prolongeant une tendance lourde de la société française, toujours en quête d’une unité spirituelle, qu’elle soit catholique et contre-révolutionnaire ou issue des Lumières, de la révolution ou de la république. En fait, le PCF surfe sur les difficultés françaises à « organiser la représentation ».

D’où la tendance récurrente du PCF à jouer du « protestataire » de gauche et d’un populisme organique que l’on retrouve de 1934 aux années 1980, du « La France aux Français » au « fabriquons français ». On comprend mieux le passage d’un DORIOT, de la mairie communiste de Saint-Denis au PPF fascisant des années 1930 et, plus proche de nous, le glissement des laissez-pour compte de la crise des années 1970-1980, en particulier dans la région Nord et la région PACA, du vote communiste au vote Front national (Sur ce thème, voir ANNE TRISTAN, « Au Front », Gallimard, op cit).

ML parle, pp 132-133, des difficultés du PCF à concilier stratégie de déstabilisation révolutionnaire et jeu démocratique pour faire avancer ses idées sociales dans l’exercice du pouvoir. Il me semble s’agir de deux stratégie parallèles dont il use alternativement en fonction de l’opportunité, un peu comme l’usage parallèle de l’internationalisme et du patriotisme, ou, en URSS, la stratégie récurrente des « réformes » opportunistes destinées à dégonfler des tensions sociales et à afficher, au plan international, un visage plus conciliant (La NEP de 1921-1928 ; les « ouvertures » de KHROUCHTCHEV de 1956-1964 et, plus proche de nous, celles de Gorbatchev).

Quant à l’argument final de ML sur un PCF finalement récupéré par la démocratie, il est à discuter : d’abord du fait que la posture protestataire anticapitaliste est reprise, dès les années 1960, par l’extrême-gauche, laquelle rejoue aujourd’hui à travers le NPA, la Nouvelle gauche de l’ex-socialiste Mélenchon, voire des tendances de l’écologie militante renouant avec la « croissance zéro » et l’antilibéralisme, l’évolution à nouveau très « de rupture » du PS à travers Martine Aubry (le Nord, les ouvriers, les « dérives fascistes » de Sarkozy…), sans oublier la « démocratie participative » de Ségolène Royal, assez proche de l’unanimisme organique et du populisme. Ensuite du fait du recyclage du marxisme dans la production théorique d’un BOURDIEU (« Les Héritiers ») et plus récemment d’un BADIOU.

CHAPITRE IV : LA PASSION DU SOCIAL.

-Rencontre du PCF et de larges couches sociales : banlieues « rouges » dès les années 1920, bastions du Nord, de la Lorraine, du Massif central…Il profite de la rationalisation technicienne qui laisse sur le côté nombre de travailleurs non qualifiés et des conséquences de la crise de 1929, au demeurent mal gérée par la III° République. D’où sa symbiose avec la classe ouvrière que traduit sa percée aux municipales de 1935. Puis le PC est happé dans la grande vague du « Front popu » qui fait des usines Renault, dans l’Ouest parisien, le « topos » par excellence du trio PCF-syndicalisme-classe ouvrière. Par la suite, le mineur, le métallurgiste et le docker incarnent les rôles emblématiques de cette mythologie sociale. Après 1945, le PCF bénéficie d’une reconstruction industrielle basée sur les secteurs lourds (mines, métallurgie, sidérurgie, chimie) et établit ses positions de force dans les entreprises nationalisées (EDF, GDF, Renault…). Il bénéficie d’une sociologie française favorable : en 1954,la part des ouvriers dans la population active frise les 40%. Alors qu’elle descend à 35% en 1979, les ouvriers constituent encore 45% des effectifs du parti français ! Fondée sur un môle ouvrier, voire ouvriériste, bénéficiant de relais syndicaux (CGTU puis CGT) et de tout un univers de « copains » et de « compagnons de route » venus de tous les horizons et en particulier du monde des intellectuels de gauche, le PCF est à la tête d’une véritable « contre-société » (ANNIE KRIEGEL) qui se confond avec une « communauté d’espérance ». Surfant sur les crises récurrentes de l’agriculture (remembrement, endettement, petite propriété…) le PCF parvient à pénétrer le monde rural, en particulier dans le Massif central : astucieusement, les communistes soutiennent « les humbles » et défendent, dans les années 1950, la petite propriété contre la concentration foncière. Et parallèlement, le PCF soutient toujours la collectivisation des terres en URSS sans pour autant vouloir l’imposer en France ! (cf les articles de « La terre » en 1951, p 150 de ML). Le PCF valorise l’attachement au travail, au travail, au territoire, à la communauté contre les grossistes, les bourgeois et plus tard, la CEE.

Le PCF s’est en effet levé, dès le départ, contre l’Europe, rejoignant ici les thèses du RPF de de Gaulle. Son patriotisme de résistance, mais aussi sa fidélité à l’URSS lui feront également refusé, entre 1950 et 1954, le projet de CED (Communauté européenne de défense). On notera par ailleurs les parallélismes troublants entre les attachements du PCF vus supra et plusieurs aspects de la « Révolution nationale » de Pétain –voir ici les éclairages de ROBERT PAXTON dans sa « France de Vichy »- voir les positions de défense des « petits contre les gros » de l’UDCA (Union de défense des commerçants et artisans » de PIERRE POUJADE entre 1953 et 1956.

Par ailleurs, quand on évoque un réseau de « copains » et de « compagnons de route », il faut penser à l’émergence des cités et des banlieues, espaces emblématiques d’une poésie sociale où l’on retient les noms des photographes ROBERT DOISNEAU et WILLY RONIS, celui de JACQUES PREVERT, mais aussi l’univers de la chanson « engagée » où un JEAN FERRAT va triompher à partir de la fin des années 1950. Adaptateur talentueux des poèmes de…LOUIS ARAGON (le poète des Komsomol et des hauts-fourneaux de l’Oural dans le même temps que le « fou d’Elsa »), FERRAT produit des textes originaux dont les paroles opèrent la jonction entre tradition révolutionnaire, république, monde ouvrier, tel « Ma France » qui demeure, pour lui :

« Celle du vieil Hugo tenant de son exil,

Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines,

Celle qui construisit de ses mains vos usines,

Celle dont Monsieur Thiers a dit : « Qu’on l’assassine » !

La force du mouvement communiste, en France comme ailleurs, réside dans sa capacité à mobiliser la puissance du mythe (au sens où l’entend ERNST CASSIRER pour le nazisme) et à fonder une « mythologie ouvrière » (ML) où coexistent astucieusement la condamnation de l’enfer industriel et la réification de ce même univers industriel après la conquête de la « terre promise » communiste. On peut parler, comme en URSS, d’une esthétique de l’usine et de l’ouvrier basée sur une célébration de l’homme au travail dans la veine du « réalisme socialiste » soviétique. Coexistent ici, dans la peinture d’un FOUGERON par exemple, corps solides, métalliques et sains et corps émaciés de la pauvreté et de la mort. Au plan littéraire, voire les textes d’ARAGON et d’ANDRE STIL par exemple. Par extension, un cinéma réaliste ou du fantastique social peint ces mêmes corps au travail, cette poésie noire des faubourgs ouvriers, à la manière de JEAN RENOIR, cinéaste phare de l’époque du Front populaire, dans son adaptation des « Bas-fonds » de Gorki ou celle de la « Bête humaine » de Zola où le comédien JEAN GABIN incarne pour longtemps le prototype de l’ouvrier gouailleur et révolté. Citons encore la « Belle équipe » du réalisateur JULIEN DUVIVIER (1936) ou, en 1955, deux films qui relaient, à travers l’univers des camionneurs, l’image de la fatalité sociale où Gabin tient encore le premier rôle : « Des gens sans importance » d’HENRI VERNEUIL (1955) et « Gas-oil » de GILLES GRANGIER la même année. Même si ces deux derniers films ne sont pas réalisés par des cinéastes compagnons de route, il reste que leur thématique et leur esthétique procèdent de cette culture populaire que le PCF a su canaliser vers lui. On notera, pour mémoire, l’envers anarcho-populiste de cette tendance dans la production littéraire de L-F. CELINE (« Voyage au bout de la nuit » et « mort à crédit » publiés avant-guerre) et une partie de la filmographie de CLAUDE AUTANT-LARA, en particulier « La traversée de Paris »(1956) et d’HENRI-GEORGES CLOUZOT, particulièrement « Le salaire de la peur »(1953).

-Le PCF a contribué à créer une culture ouvrière spécifique et, partant, une identité ouvrière, avec un style de vie homogène et cohérent qui perdure des années 1920 aux années 1950. Il participe de la formation de l’identité au travail, axée sur le sentiment d’appartenance à un collectif, l’affirmation d’un travail créatif et la résistance au capitalisme de ces « gens de peu » (PIERRE SANSOT) qui aspirent à rejoindre la classe ouvrière réifiés par l’attente du « grand soir » et combattent pour défendre une conception « manuelle » du travail ouvrier, aux limites de l’artisanat et où la main symbolise à la fois la révolte (poing levé), la droiture virile (la poignée de main fraternelle et ferme) et le geste précis qui façonne le « bel ouvrage » (p 158).

Le déclin du PCF s’explique en partie par le déclin de ce monde ouvrier à l’âge post-industriel et dans le contexte d’une crise qui frappe de plein fouet les bastions du mouvement ouvrier (mines, métallurgie, sidérurgie, chantiers navals). Au cours de la période 1980-2002, les ouvriers se marginalisent et votent à droite où à l’extrême-droite (voir supra) ou rejoignent les classes moyennes, du fait de la révolution robotique touchant des secteurs jadis dévolus à une main-d’œuvre nombreuse, et votent socialistes. Aux élections de 2002, le candidat communiste ROBERT HUE ne fixe que 4% du vote ouvrier (contre encore 30% pour GEORGES MARCHAIS en 1981) alors que le Front national en prend 24% ! (p 162).

Pour ML, l’héritage communiste c’est :

. Une hostilité permanente au réformisme qui contamine périodiquement les socialistes.

. Une tendance récurrente à dénoncer les « bourgeois » (voir la levée de bouclier contre les banques et les « nantis » au moment de la crise financière de 2009 et le slogan très racoleur : « Il faut faire payer les riches » qui joue d’un poujadisme latent de la société française.

. Un ouvriérisme latent fondé sur l’identification du peuple et de la nation qui prolonge la « lutte des classes » sur laquelle surfent le extrêmes-gauche.

. Du fait du balancement du PCF entre changement et immobilisme (préservation des acquis et des statuts visible en particulier dans le dossier des retraites), une difficulté de la société française à concilier dynamisme économique et protection sociale.

. Anti-élitisme et anti-intellectualisme déterminés par une « passion de l’égalité » qui s’est érigée en religion.

Privé de son eschatologie politique depuis la chute du bloc communiste, le PCF se réduit à son registre social et survit, grâce à lui, dans l’imaginaire politique des Français.

Note : l’anti-élitisme s’est refait une santé dans la dénonciation de l’inégalité des jeunes face aux filières d’élite et alimente une volonté de se « rapprocher du peuple » de la part de certaines grandes écoles. Cette posture misérabiliste et victimaire trouve dans l’Education nationale ses meilleurs relais, amalgamant inégalités sociales et immigration. Le PCF et son journal « L’Humanité » s’approprie depuis longtemps le combat des Noirs sud-africains contre l’Apartheid et, plus récemment, surfe sur le rejeu du débat colonial à propos de la mémoire de la « traite négrière », nourrissant la vague de repentance qui a saisi la France depuis quelques années. A propos du journal « L’Humanité », notons le prestige du quotidien communiste (ex-socialiste puisque Jaurès le dirigeait avant 1914 et devenu organe du PCF après le Congrès de Tours de 1920) entre 1930 et la fin des années 1960. Journal emblématique où ont écrit nombre d’intellectuels et d’artistes, journal « de la classe ouvrière » et plus largement de la posture révolutionnaire internationale. De son côté, les « Lettres françaises » regroupaient les plumes intellectuelles et artistiques, Aragon, Eluard, etc. N’oublions pas non plus que dans les années 1950-1960, des pratiques théâtrales comme le TNP de JEAN VILAR et le Festival d’Avignon, en promouvant un théâtre populaire très « brechtien » dans son état d’esprit, amplifiaient la Vulgate communiste, comme, au plan politique et philosophique, la revue « Les Temps Modernes » de JEAN-PAUL SARTRE. (voir chronologie de la IV° République en annexe).

CHAPITRE 5 : LA PASSION DU BONHEUR.

-Etrange passion pacifiste que celle d’un parti qui rejette la guerre en 1914 et mise sur le « plus jamais ça » des anciens-combattants, puis qui, après 1945, reprend ce thème du pacifisme via la stratégie soviétique face aux USA « belliqueux et impérialistes », tout en multipliant les postures bellicistes, en 1941, dans la Guerre Froide où les manifestations communistes s’avèrent très violentes (Le « Mouvement pour la paix », télécommandé par l’Internationale communiste, se mobilise en particulier en 1952 contre la venue à Paris du Général Ridgway, responsable des forces de l’Otan en Europe, en pleine guerre de Corée), et déjà dans les années trente ou en France (comme en Allemagne d’ailleurs), les troupes communistes sont organisées de manière paramilitaire. Il est vrai que dans les années 1950, il s’agit pour le PCF d’attirer vers lui, et vers la diplomatie soviétique que cette posture pacifiste sert, une large fraction des intellectuels et des Français en général. La phrase de PREVERT, « Quelle connerie la guerre » est assez simpliste et archaïque pour rallier tous ceux qui, en ces années-là, craignent l’apocalypse nucléaire.

-Les communistes participent en effet, comme les fascistes, d’une « culture de guerre » introduite dans l’espace politique : insurrection et grèves insurrectionnelles (en 1947 en particulier), héritage du concept de « lutte des classes », et on peut rajouter les « guerres justes » aux yeux des communistes comme les « luttes de libération nationale » et les guérillas du type Indochine, Algérie, Vietnam, etc. , sans oublier l’hagiographie de l’Armée Rouge soviétique et les défilés militarisés des anniversaires de la révolution d’octobre ou du I° mai sur la Place Rouge de Moscou. Là encore, comme le rappelle ML, cette violence s’intègre à une tradition française de rébellion, de « frondes », d’émeutes, de barricades, d’occupations d’usines avec prise d’otages des « patrons », où les paysans eux-mêmes ne sont pas en reste. Notons les opérations musclées de JOSE BOVE et des altermondialistes en général.

-Reflux de cette posture violente dans les années 1960 qui correspond aux directives de Moscou soucieuse d’assurer la réussite de la « coexistence pacifique ».

-Mais un penchant permanent à la violence qui rejoint, là encore, une tradition française, celle nous disions des barricades du XIX° siècle et, plus antérieurement, le recours à la terreur et à la violence durant la Révolution française, sans oublier la « patrie en danger » de 1792 et la « levée en masse » des « soldats de l’an II » contre le « despotisme monarchique ».Levés pour défendre la révolution contre la l’Autriche, la Prusse et la Russie, les soldats de Valmy ouvrent une tradition qui rejoue dans les maquis communistes face aux nazis ou dans la guerre des partisans soviétiques contre les mêmes.

-Etrange balancement entre la défense de la modernité, des sciences et des techniques, du progrès social, de la Ville rationnelle avec ses cités-jardins et sa fonctionnalité au service du futur et, a contrario, l’hommage à la tradition, à l’artisanat, à la France des terroirs, du « pinard » et de la bonne chère. C’est que les communistes défendent une modernité communautaire, égalitaire, ouvrière et autoritaire, contre une modernité capitaliste, libérale et bourgeoise. En cherchant, dans les années 1950-1970 un accompagnement social harmonieux de la croissance au temps du passage d’une France rurale à une France industrielle, il draine vers lui nombre de groupes sociaux soucieux d’accéder à la modernité sans s’y retrouver atomisés ou broyés. En s’adressant à la France futuriste et à la France passéiste, le PCF ratisse large, d’où son succès.

-Mais tout bascule en 1968 (dont d’ailleurs le PCF n’a pas saisi le sens réel, davantage axé sur la libération des corps et des mœurs, sur le plaisir, sur la promotion des femmes et des marginalités sexuelles, les nouveaux savoirs et les nouvelles philosophies à partir des travaux d’un FOUCAULT, d’un DERRIDA, d’un ROLAND BARTHES) et dans les années 1970 1980 où la France se tertiarise, rejoint la post-modernité, le refus des grandes idéologies, les mondes hyper-technologiques et « communicants » et l’univers virtuel du « village planétaire ». Le PCF, avec son étatisme autoritaire, ses morales rigides, ses postures ouvriéristes dans une société de moins en moins ouvrière, apparaît comme ringard. Le PCF tente en vain de promouvoir l’individu, de moderniser sa morale et d’accompagner le changement, mais son électorat, broyé par les crises structurelles de l’économie, se tourne à nouveau vers un protestataire d’extrême-droite. De surcroît, le PCF pâtit de la baisse de confiance dans les progrès de la science et des techniques. Ajoutons que l’échec final de toutes les expériences communiste dans le monde, tant bien sûr en matière de droits de l’homme qu’en matière économique, sociale et technique, rejaillit sur le PCF. Même s’il s’intègre peu dans le mouvement antilibéral actuel, le PCF le marque toutefois par l’usage d’un discours et de pratiques militantes assez proches de l’agit-prop (agitation- propagande) soviétique, comme en témoigne les actions musclées lors des conférences du G8, du G20 ou des rencontres de Davos ou cette « Internationale du Capital » que dénonce en 1999 un collectif d’intellectuels et d’artistes altermondialistes.

Privé désormais de perspective politique, le PCF fonctionne comme référence du combat social et producteur d’une nostalgie du temps des grandes idéologies.

-Le communisme a proposé une croyance, reposant sur une mythologie, une Eglise, avec ses prêtres et ses hérétiques, ses héros et ses martyrs, ses prophètes iconisés comme Lénine, Staline, Castro et d’autres, ses « chemins de croix » comme la Commune de Paris et ses grandes gestes fondatrices comme la révolution d’Octobre, mythifiée au moment même où elle se déroulait grâce à l’usage du cinéma. C’est aussi, de manière religieuse, une distinction entre le Bien (la société communiste à venir) et le mal (le capitalisme ou l’américanisme) et un réenchantement du monde opposant la barbarie capitaliste aliénante et le promesse du bonheur dans une société communiste harmonieuse qui procède de ces cités utopiques du XIX° siècle chères à Saint-Simon, Cabet ou Fourier. Le communisme est une « institution du croire » (ML) comportant des rites de passage et d’initiation, l’apprentissage d’un langage et le dépouillement de toute personnalité au bénéfice du groupe. C’est au fond une sorte de monachisme. Sortir du Parti, c’est renoncer à tout puisque le Parti est tout. Parlant au nom de la Science, athées et antireligieux, les communistes pensent et agissent en croyant, basant leur conception du monde sur ce qui s’apparente à des textes canoniques avec lesquels il leur est difficile de rompre, en premier chef le marxisme et ses « évangiles » (« Manifeste du parti communiste » et « Capital » de Marx, œuvres de Lénine, « petit livre rouge » de Mao Zedong, et qu’ils cherchent depuis quelques années à compléter, et surtout à toiletter, en particulier à travers la nouvelle Vulgate des œuvres de PIERRE BOURDIEU, véritable gourou du marxisme toiletté de structuralisme et de complexité sémantique volontaire dont la rencontre intellectuelle est incontournable pour tout étudiant en Sciences humaines.

- A l’Eglise catholique, la république a opposé la « religion » de l’Etat et de la souveraineté du peuple. De son côté, le communisme renvoie à l’église catholique, universaliste, gallicane et humaniste, une « contre-Eglise internationaliste et nationalitaire ». Mais République et communisme se rejoignent dans une même « magnification » du politique, typique de la modernité, qui remplace le religieux. Toutefois, la République cherche à relativiser ce politique pour en éviter la tyrannie, comme en 1793. En revanche le communisme, religion politique totalitaire, « porte à son apogée la valorisation du politique ». Il offre en tout cas une alternative spirituelle au catholicisme, une quête de sens, une aspiration à l’absolu qui a profité de la déchristianisation de la société française. Reste que cette « religion séculière » (ARON) s’use aussi vite qu’elle a grandi, du fait de la crise contemporaine du politique, du scepticisme post-moderne devant les grandes constructions idéologiques et de l’effondrement de la « Rome » moscovite. Elle s’estompe derrière une conception plus pragmatique et moins historiciste de la politique qui place l’individu au cœur des constructions sociétales. Et de fait, chacun peut concocter sa propre vision du communisme, mais il n’y a plus d’Etre-ensemble, sauf en de rares occasions de communion émotive comme les manifestations. (Voir ici les analyses de OLIVIER FILLIEULE et DANIELLE TARTAKOWSKY dans « La manifestation », Presses de Sciences-Po, 2008). Certains nostalgiques tentent de reconstruire la machine dans sa « pureté originelle », accusant un clergé dévoyé d’avoir altérer une Idée éternelle qui fonctionne aujourd’hui comme un simple élément du patrimoine national et social. Surtout, le communisme perdure dans la mémoire de ceux à qui il a profité, socialement, culturellement, psychologiquement, et le PCF joue encore de ce mémoriel polyphonique où chacun prend ce qu’il veut retenir de l’aventure du communisme en tant « qu’expérience humaine ». La nostalgie, souvent désespérée, qui anime ceux qui ont vécu cette expérience « totale » reste le dernier refuge de la mémoire communiste, sorte de « Belle époque », toujours évoquée et inscrite dans la mémoire profonde de nombreux Français. Le PCF, disqualifié politiquement, peut encore survivre et alimenter « deux nostalgies françaises récurrentes… : la nostalgie d’une communauté et…la nostalgie du changement radical de l’humanité ».

Note : sur la question du politique se substituant au religieux, voir MARCEL GAUCHET, « La condition politique ».

La conclusion de ML reprend en écharpe les thèmes du corpus. J’ajouterai deux remarques :

. Le communisme s’est tellement efforcé de ne garder comme héritage que son humanisme, son antifascisme, son anti-impérialisme (recyclé en altermondialisme), son antiracisme (qui ne correspond d’ailleurs pas à la réalité d’une conception ambiguë des « peuples indigènes », le plus souvent magnifiés quand ils choisissent le…communisme et ses défenses du social qu’il est difficile, aujourd’hui encore, de mettre en avant la comparaison communisme/fascisme, malgré les travaux anciens d’Hanna Arendt, de Raymond Aron, de François Furet ou d’Ernst Nolte, ces deux derniers auteurs étant qualifiés de « droitier » pour le premier et de « défenseur du fascisme » pour le second. Il est au demeurant presque impossible de crédibiliser, dans un milieu universitaire largement de gauche, les analyses comparatives des systèmes concentrationnaires soviétique et nazi, malgré les livres russes de Vassili Grossmann (« Vie et destin ») et de Varlam Chalamov (« Récits de la Kolyma). On notera aussi l’acharnement des philosophes d’obédience communiste à diaboliser Heidegger pour son passage au parti nazi mais à …épargner ceux des philosophes et écrivains communistes qui ont choisi de ne pas voir ou même justifié le Goulag et les Grands procès staliniens.

. Quant à l’anti-impérialisme débouchant sur l’anti-américanisme et l’antisionisme, ce dernier évoluant en effet vers une critique radicale d’Israël (voir la complicité objective de certains intellectuels de gauche avec un islamisme radical qu’ils assimilent à une « lutte de libération nationale »), rappelons qu’il remonte à loin : dès la fin du XIX° siècle en France, une extrême-gauche pugnace s’en prenait déjà à la « banque juive » et à la « finance internationale cosmopolite », notamment au moment du scandale de Panama (1889). Voir sur ce sujet le Tome I des « Origines du totalitarisme » d’Hanna Arendt, « De l’antisémitisme », analysé sur mon blog dans la rubrique « Grandes lectures ». On lira aussi avec profit les analyses décapantes de Zeev Sternhell (« Ni droite, ni gauche : l’idéologie fasciste en France », 1983) sur les origines françaises du fascisme et son émergence à gauche autant qu’à droite.

II/ AUTOUR DE FRANCOIS FURET ET HANNA ARENDT.

Deux additifs incontournables au livre de Marc Lazar dans la mesure où leurs analyses, d’ailleurs citées par notre auteur, recoupent les siennes ou les complètent. Dossier : François Furet : un combat contre l'illusion

François Furet : un combat contre l'illusionHistorien de la Révolution française et de l'illusion communiste, François Furet disparaissait il y a dix ans. Il avait choisi l'histoire comme discipline la plus englobante et comme terrain tout désigné d'une mise à l'épreuve de la théorie.

Son oeuvre pourrait d'ailleurs contenir dans l'une de ses citations : "Problèmes de la révolution et dilemnes de la démocratie".
D'un bout à l'autre de sa recherche, on voit ainsi François Furet passer de la Révolution française, tragédie greffée sur une espérance, à l'illusion communiste, espérance greffée sur une tragédie, en parcourant dans l'intervalle toutes les incarnations de la pensée révolutionnaire.

Son premier livre, écrit avec Denis Richet en 1965, La Révolution Française, reste marqué par une histoire sociale d'inspiraton marxiste et a fait de lui avec son texte suivant Penser la Révolution, un spécialiste de la période. Mais peut-on réduire l'oeuvre de François Furet à la seule Révolution Française ?

Au delà de la Révolution française, c'est tout le cycle révolutionnaire qui l'intéressait. En amont, un long XVIIIe siècle, qui manifeste un basculement de l'ordre du monde : il était alors convaincu que la révolution rend visible, bien plus qu'elle ne fait surgir, quelque chose qui est déjà accompli.

D'autre part, en aval,il se représente un 19ème siècle qui n'en finit pas de dérouler les conséquences de la révolution. Il était l'historien non d'un événement singulier, mais d'une nation révolutionnaire, osant de plus, des comparaisons avec l 'Angleterre ou la Russie.
C'est en découvrant l'échec des politiques volontaristes (le jacobinisme se nourrissant d'une exaltation constructiviste de la volonté) qu'il a été conduit à repenser la part du politique dans les sociétés démocratiques. De là, une redéfinition de la Révolution française comme moment fondateur de la conscience politique moderne. De là aussi, l'intéprétation de trois grandes formes politiques inventées par le XXe siècle : fascime, nazisme, communisme.

Cette nouvelle ouverture le conduit à mettre alors l'accent sur une histoire essentiellement politique. Alors que régnait dans l'histoire contemporaine le tabou qui interdisait tout rapprochement entre nazisme et communisme, il le lève résolument. Dans son dernier livre Le passé d'une illusion : essai sur l'idée communiste au XXe siècle, dont l'intention est de "comprendre les représentations imaginaires à travers lesquelles tant d'hommes ont vécu la politique révolutionnaire au XXe siècle", il renoue avec son passé communiste et le fait d'être lui-même sorti de l'illusion.
Lourdement critiqué pour sa méthode comparative, il apporte pourtant une précieuse contribution à la découverte des traits qui distinguent les deux régimes.

Toujours proche des questions brûlantes de l'époque, il aimait déchiffrer le présent grâce aux grilles du passé. Sa pratique régulière du journalisme (au Nouvel Observateur) lui offre alors une capacité d'analyse en dehors des grands courants académiques et de son parcours d'historien des idées. On retiendra ainsi, de son intinéraire, sa façon de combiner l'énergie de l'investigation intellectuelle avec le bonheur de l'écriture.

http://www.mollat.com/cache/upload/radis.gifBiographie express

27 mars 1927 : Naissance de François Furet
1954 : Agrégation d'histoire
1959 : Rupture avec le parti communiste
1965 : La Révolution française (avec Denis Richet)
1977-1985 : président de l'EHESS
1978 : Penser la Révolution française
1985 : Professeur à l'Université de Chicago
1988 : La révolution, de Turgot à Jules Ferry ; La république du centre - La fin de l'exception française (avec Jacques Julliard et Pierre Rosanvallon)
1992 : Dictionnaire critique de la Révolution française (avec Mona Ozouf)
1995 : Le passé d'une illusion
1997 : élection à l'Académie française où il succède à Michel Debré
12 juillet 1997 : mort au cours d'une partie de tennis. Il ne sera jamais officiellement reçu à l'Académie.
1998 : Fascisme et communisme (avec Ernst Nolte)

François Furet est docteur honoris causa des Universités de Tel Aviv et Harvard. Il est membre de l'American Academy of Arts et Sciences, de l'Armerican Philosophical Society.

Il a reçu pour l'ensemble de son oeuvre : le prix Tocqueville (1960), le prix européen des Sciences Sociales (Amalfi 1996), le prix Annah Arendt de la pensée politique (Brême 1996) et pour son son livre Le passé d'une illusion, le prix du Livre politique, le prix Chateaubriand, et le prix Gobert de l'Académie française (1996).

HANNA ARENDT : « LES ORIGINES DU TOTALITARISME ».

TOME III : LE SYSTEME TOTALITAIRE.

Dernier volet du maître-livre d’HANNA ARENDT, ce tome III aborde le cœur du phénomène totalitaire à travers les exemples nazi et soviétique en particulier, renvoyant dos-à-dos le racialisme du premier et le « classisme » du second.

I/ UNE SOCIETE SANS CLASSES.

1.Les masses.

Les régimes totalitaires :

-supposent l’action d’un « mouvement » perpétuel » ;

-s’appuient sur les masses et la popularité du « Chef » ;

-s’appuient sur l’attirance de la foule pour le mal et le crime ;

-déclenche un fanatisme allant jusqu’au sacrifice consenti à condition de ne pas être exclu du Mouvement (par les Grands « Procès » côté stalinien).

-supposent l’existence des masses et exclue donc de petits états comme ceux d’Europe centrale et orientale par exemple voués aux régimes autoritaires classiques. L’Italie se contente de la dictature et du parti unique. D’ailleurs les nazis admirent davantage les bolcheviques que les états autoritaires d’Europe centrale et d’Europe du Sud, HITLER relevant, dès les années 1920, les affinités entre nazisme et communisme.

Références bibliographiques sur ces thèmes :

-ALLAN BULLOCK ; Hitler, a Study in Tyrany , 1952.

-KONRAD HEIDEN; Der Führer: Hitler’s Rise to Power,1944.

Hitler n’entendait nullement protéger l’Occident contre le communisme raisonnement qui est toutefois à la base de l’engagement de nombreux fascistes européens.

Concernant les masses, même le peuple allemand n’était pas assez nombreux pour permettre l’épanouissement d’un régime authentiquement et intégralement totalitaire. Seul le gain de la guerre aurait permis l’épanouissement d’un tel régime.

Les régimes totalitaires supposent une « sélection » des individus les plus « purs » et les plus performants, ce à quoi visent les purges de Staline et les génocides nazis.

A la différence des classes, les masses sont incapables de s’intégrer dans des organisations économiques et politiques. Aussi nazis et communistes misent-ils sur ces masses apathiques qui leur offrent des clientèles nouvelles. Les systèmes totalitaires montrent le caractère à leurs yeux factice des majorités parlementaires ;

L’effondrement du système de classe eut pour conséquence automatique l’effondrement du système des partis, principalement parce-que ceux-ci, étant des partis d’intérêts, ne pouvaient plus représenter les intérêts de classes »(H.A).

(NOTE DE CADENET : on rappellera ici le mépris de Lénine, dès la veille de la « Révolution » d’octobre pour des masses ouvrières à ses yeux incapables de réaliser seules la Révolution sans la conduite d’une élite de révolutionnaires professionnels et toujours prêtes à « sombrer » dans le « trade-unionisme », c’est-à-dire dans la « collaboration de classes ». En fait Lénine et plus encore Staline instrumentalisent le peuple pour installer la dictature d’un appareil chargé, sous couvert de représenter ce peuple, de lui confisquer la propriété des terres et des usines. Côté hitlérien, Arendt démonter clairement l’instrumentalisation ancienne de la « populace ».).

Aussi Arendt avance-t-elle que des masses entières ne se sentent pas représentées et « secouèrent soudain leur apathie et allèrent partout où elles virent une occasion d’exprimer leur nouvelle et violente opposition. Elles formèrent une seule grande masse inorganisée et déstructurée d’individus furieux…Cette gigantesque massification d’individus produisit une mentalité qui, tel Cecil Rhodes quarante ans auparavant, pensait en continents et sentait en siècles »(H.A).

Il apparaît que l’individualisme moderne ne s’est pas opposé au processus de massification dans la mesure où il existait chez les masses un désintérêt de soi-(cf GUSTAVE LE BON dans sa Psychologie des foules de 1895)-entraînant le nihilisme et la haine de soi de l’intelligentsia moderne. Hitler et Staline sont des déclassés, le second issu « de l’appareil de conspiration du parti bolchevique, mélange très particulier de déclassés et de révolutionnaires »(H.A).

KONRAD HEIDEN écrit dans Der Führer…op.cit. : « Des décombres des classes mortes surgit la nouvelle classe des intellectuels, et à sa tête marche les plus impitoyables, ceux qui ont le moins à perdre, donc les plus forts : une armée de bohêmes, pour qui la guerre est un pays et la guerre civile une patrie ». (Note DE CADENET : on rapprochera cette démonstration du texte de VON SALOMON concernant les corps-francs et l’Allemagne, tiré des « REPROUVES » que j’ai cité dans la rubrique « GRANDS TEXTES » à la section consacrée à l’Allemagne sur le blog).

L’atomisation est inhérente à la société weimarienne, mais en Russie, il a appartenu à Staline de réaliser cette atomisation en liquidant la structure des soviets, puis celle des classes que Lénine avait tactiquement reconstituées durant la NEP.(NEP : Nouvelle Politique Economique lancée par Lénine en 1921 après l’échec du « Communisme de guerre » et constituant, de manière opportuniste, un retour « limité, pour un temps limité, à une économie de type capitaliste », destinée surtout à rompre l’isolement international de la Russie. De Cadenet.).

Les deux catégories « épurées » par la suite par Staline furent les classes moyennes et la paysannerie, au moyen de la famine provoquée et de la déportation, sous le couvert idéologique de l’expropriation des Koulaks et de la collectivisation. Puis ce fut le tour des ouvriers, de façon plus aisée car ils avaient été immédiatement spoliés de leurs expropriations spontanées des propriétaires d’usines pendant la révolution. En effet, le gouvernement avait confisqué les usines comme propriétés d’Etat sous prétexte que, de toute façon, l’Etat incarnait le prolétariat.

Par la suite, le stakhanovisme instaure une aristocratie du travail et le « Livret de travail » de 1938 fait du reste de la classe ouvrière une armée de forçats.

Il suffit ensuite d’éliminer la bureaucratie qui avait opéré la liquidation précédente, à travers les purges de 1936-1938 au cours desquelles 50% de tous les membres du parti, soit environ 8 millions de personnes, disparurent. Ici, la terreur et en particulier le système de la « culpabilité par association » (les amis d’un « coupable » le sont à leur tour) aboutit à la dénonciation systématique et pousse au plus haut point l’individualisation et l’atomisation d’une société.

Du côté des nazis, il y a un mouvement totalitaire préexistant à la domination totalitaire ; celle-ci s’affirme par la prise de distance à l’égard du programme initial. Staline, de son côté, doit opérer le découplage d’avec le léninisme révolutionnaire pour faire de sa pensée le « Ligne générale » à laquelle on doit une obéissance totale. C’est le « Mon honneur est ma loyauté » des SS de HIMMLER ! De son côté, Mussolini pratique le refus de tout programme au nom de l’inspiration du moment ; c’est plus « l’actualisme » de GENTILE (l’idéologue du PNF) que les « Mythes » de G.SOREL (théoricien français de la violence révolutionnaire qui inspira beaucoup le jeune Mussolini).

2. L’alliance provisoire entre la populace et l’élite.

L’élite totalitaire est composée d’hommes qui ont raté leur vie avant d’arriver au pouvoir mais dont ce ratage même assure le lien avec la populace déclassée. D’où, chez tous, la « joie » de voir arriver la guerre qui balayera de ses « orages d’acier » (ERNST JÜNGER) « l’âge d’or de la sécurité », cet univers de fausse sécurité, de fausse culture, de fausse vie qu’avaient dénoncées les Rimbaud, Lawrence, Brecht, Malraux, Bakounine, Blok…Pour ces déclassés, pas de pacifisme après la guerre mais une vision réaliste de la saignée de 1914. Après 1919, il importe plus d’appartenir à la génération des tranchées que de savoir de quel côté, au sens national ; ce sentiment est à la base de la propagande nazie.

C’est désormais l’action qui prévaut sur l’Etre, débouchant sur un activisme permanent des mouvements totalitaires. Le terrorisme ne vise plus alors à un résultat rationnel mais participe d’abord d’un expressionnisme politique. En découle en particulier le refus de la respectabilité qui amènera par exemple les SA à jeter leur homosexualité à la face du monde « bien-pensant ». De ce point de vue, « L’opéra de quat’sous « de BRECHT (1928), loin de choquer le bourgeois, le conforte dans sa volonté de rompre avec l’hypocrisie ambiante et on accepte, non comme une dénonciation mais comme une vision lucide, ces gangsters-hommes d’affaires et vice-versa. Dans le « Erst kommt das Fressen, dann kommt die Moral » (D’abord la bouffe, ensuite la morale), le prolétaire entend une évidence, le bourgeois un aveu salutaire et l’élite le plaisir de la mise à nu de l’hypocrisie. La subversion brechtienne s’effondre d’elle-même ! De façon identique, en 1938, CELINE propose, dans « Bagatelles pour un massacre » de tuer tous les Juifs et un GIDE accueille le propos comme le dévoilement de l’hypocrisie. Cette posture explique, côté soviétique, l’alliance de l’élite et de la populace alors que le communisme broie les créateurs.

Le plus grand soutient au totalitarisme nazi aux yeux d’Arendt : le philistin bourgeois « atomisé », coupé de sa classe, et qui ne se soucie que de protéger sa vie privée. Quant à l’intellectuel et au créateur, son soutient ne lui évite pas la destruction ultérieure car « la domination totale ne tolère la libre initiative dans aucun domaine de l’existence…Le totalitarisme, une fois au pouvoir, remplace invariablement tous les vrais talents, quelles que soient leurs sympathies, par ces illuminés et ces imbéciles dont le manque d’intelligence et de créativité reste la meilleure garantie de leur loyauté » (H.A).

II/LE MOUVEMENT TOTALITAIRE.

1.La propagande totalitaire.

Elle est dictée par le monde extérieur et s’apparente surtout à de l’endoctrinement plus ou moins accompagné de terreur, et qui augmente avec les forces des mouvements ou l’isolement et la protection des régimes totalitaires contre une ingérence extérieure.

A contrario, ce qui distingue les régimes autoritaires/totalitaires sur le plan intérieur, c’est l’usage de la terreur.

La propagande totalitaire, surtout avant la prise du pouvoir, use de l’argumentaire « scientifique » : obéissance aux « lois de la nature » côté nazi, soumission aux « lois de l’Histoire et de la lutte des classes » chez les communistes. Signe plus général de l’obsession de la scientificité et dernière étape d’un processus en vertu duquel «la science est devenue une idole qui guérira magiquement les maux de l’existence et transformera la nature de l’homme » (ERIC VOEGELIN, « The origins of Scientism »).

Ce développement du scientisme est à mettre en parallèle avec «la croissance cancéreuse du secteur utilitaire de l’existence « (idem) auquel les masses sont de plus en plus sensibles. Mais le scientisme vise le bien-être de l’Humanité sans pour autant vouloir changer la nature profonde de l’Homme à la différence des totalitarismes qui veulent changer l’Homme mais ne cherchent pas son bonheur.

La propagande use aussi de la prophétie annonçant les intentions du dictateur : c’est Hitler annonçant « l’anéantissement des Juifs s’ils déclenchent une nouvelle guerre » pour justifier d’entrée de jeu leur extermination programmée ou Staline parlant des « déviationnistes de droite et de gauche » comme de « classes moribondes » en 1930, véritable annonciation des purges ultérieures. Chez Hitler comme chez Staline, ce prophétisme s’accompagne d’un mépris souverain pour les faits car il suppose la conquête du monde qui autorise le dictateur totalitaire à réaliser tous ses mensonges.

Le système totalitaire repose sur la dénonciation régulière de vastes conspirations (Juifs, Francs-maçons, Cent familles, Trotskysme…) dont les masses sont friandes car plus portées par ce qu’elles imaginent que par ce qu’elles voient.(Nota DE CADENET : il appartiendra à FRANCOIS FURET de montrer les origines françaises de cette théorie du complot dont Robespierre et les Jacobins firent la base de la légitimité des exécutions en masse de la Grande terreur de 1793-1794. Sur ce sujet comme plus largement sur l’histoire de l’utopie communiste, on lira avec profit le « Passé d’une illusion » que Furet a publié naguère chez Fayard).

De plus, les masses, atomisées par l’effondrement des cadres de sociabilité, se raccrochent à une « idéologie à la cohérence extrêmement rigide et fantastiquement fictive » (AH). Car le système totalitaire vise à la cohérence totale (quoique fictive), que ce soit dans les « confessions » de la propagande bolchevique ou la législation rétroactive nazie visant à légitimer des crimes :

« Avant de prendre le pouvoir et d’établir un monde conforme à leurs doctrines, les mouvements totalitaires suscitent un monde mensonger et cohérent qui, mieux que la réalité elle-même, satisfait les besoins de l’esprit humain ; dans ce monde, par la seule vertu de l’imagination, les masses déracinées se sentent chez elles et se voient épargner les coups incessants que la vie réelle et les expériences réelles infligent aux êtres humains et à leurs attentes. La force de la propagande totalitaire – avant que les mouvements aient le pouvoir de faire tomber un rideau de fer pour empêcher qui que ce soit de troubler, par la moindre parcelle de réalité, la tranquillité macabre d’un monde entièrement imaginaire- repose sur sa capacité à couper les masses du monde réel. Les seuls signes que le monde réel offre encore à l’entendement des masses non intégrées et en voie de désintégration – et que chaque nouveau coup du sort rend plus crédules – sont, pour ainsi dire, ses lacunes : les questions qu’il dédaigne de discuter en public, ou les rumeurs qu’il n’ose pas contredire parce qu’elles touchent, quoique de façon exagérée et déformée, un point sensible. » (H.A).

L’antisémitisme nazi : apparaît comme un principe d’autodéfinition pour chaque individu impliquant une identification possible pour les masses atomisées. Il en va de même pour le concept de national-socialisme opérant la synthèse entre internationalisme de gauche et nationalisme et qui s’approprie le contenu politique de tous les autres partis et prétend implicitement les incorporer tous ! Pour Hitler, l’Etat a pour fonction de conserver la race, de même que l’Etat, dans la propagande bolchevique, n’est qu’un instrument dans la lutte des classes.

Noter le parallélisme étrange entre le programme des nazis (conquête mondiale à partir de la montée en puissance d’une « nation ») et le « programme » conspirationniste des « Protocoles des Sages de Sion ». Ces derniers appartiennent d’ailleurs à l’ensemble des textes délirants sur la conspiration franc-maçonne ou jésuite qui ont vu le jour depuis la Révolution Française.

La propagande nazie voit dans le « Juif supranational parce-qu’intensément national » (Hitler) le précurseur du maître allemand du monde ! C’est pourquoi Himmler pouvait déclarer : « Nous devons l’art de gouverner aux Juifs » !! Le projet d’Hitler consiste à réaliser l’affirmation de la « Communauté du peuple » (Volksgemeinschaft) comme la négation de la « société sans classes » des communistes. Côté bolchevique, tout le monde est rabaissé au rang d’ouvrier d’usine ; côté nazi, tout le monde peut devenir propriétaire d’usine !

Pour H.A, les leader totalitaires se distinguent par la façon dont ils choisissent les éléments d’idéologies préexistantes les plus appropriés à devenir les fondements d’un autre monde entièrement fictif. Plus la fiction est cohérente et se distingue en cela du chaos de la réalité, mieux elle fonctionne : le « pouvoir des Juifs » perdure après leur massacre et le « complot trotskiste » survit à la mort de Trotski !

Mais la propagande ne perdure qu’aussi longtemps que perdure le Mouvement : la défaite rejette les individus fictifs du monde fictif qui les unissait vers leur ancien statut d’individus atomisés. (Voir le désarroi des Allemands face aux défaites nazies à partir de 1943, un désarroi que le Volksturm – levée en masse- ne parvient pas vraiment à inverser et la solitude muette et incrédule des témoins d’avril-mai 1945. Sur ce sujet comme d’ailleurs pour une approche assez véridique d’Hitler, je vous conseille le film « La Chute » d’Oliver HIRSCHBIEGEL). DE CADENET.

2. L’organisation totalitaire.

Le « principe du chef » ressortit de tout régime autoritaire ; dans un système totalitaire, ce principe se cristallise parallèlement à la totalitarisation progressive du Mouvement. Il faut ici distinguer entre sympathisants et membres du Parti car tout système totalitaire fonde une sorte de gradation de l’initiation nécessaire à la propagande. Hitler précise d’ailleurs dans « Mein Kampf » que « même le parti unique ne doit jamais se développer au point d’embrasser l’ensemble de la population. Il est « total » à cause de son influence idéologique sur la nation ». De fait, des 7 millions de membres de la Hitlerjugend, seuls 50 000 furent acceptés comme membres du parti en 1937. Sympathisants, membres du Mouvements et militants (élites) composent trois cercles concentriques qui s’isolent mutuellement du monde réel : « Ce genre d’organisation empêche ses membres d’être jamais directement confrontés avec le monde extérieur dont l’hostilité demeure pour eux une pure présomption idéologique » (H.A). De ce point de vue, la hiérarchie protège le dogme.

Les formations d’élite (SA, SS, Waffen SS, SS Totenkopf…) sanctuarisent en quelque sorte une élite de plus en plus étroite et « pure ». Elles n’ont pas pour but spécifique la défense ou l’agression, mais sont avant tout des « instruments dans la lutte idéologique du mouvement ». De fait, Hitler liquidera Röhm en 1934 car ce dernier voulait transformer le régime nazi en dictature militaire. Or, le but d’Hitler est de fondre toutes les organisations professionnelles dans un seul Mouvement en les remplaçant par des institutions nazies, ce qu’il fera pour la diplomatie et l’armée entre 1936 et 1938 .

Les organisations d’élite, au contraire des organisations de façade qui masquent les menées totalitaires du mouvement, assument pleinement le crime mais placent ceux qui le commettent dans un halo de sécurité : « Ce sentiment de sécurité, résultant de la violence organisée au moyen de laquelle les formations d’élite protègent du monde extérieur les membres du parti, est aussi important pour l’intégrité du monde fictif de l’organisation que la crainte de sa terreur » (H.A).

Le chef : sa force réside d’abord dans son habileté à manipuler les luttes de pouvoir internes au parti. La violence ne suffit pas comme le montre le cas de Staline, plus grand bureaucrate que Trotski qui détenait le contrôle de l’Armée Rouge mais renonça à user du coup d’Etat militaire contre les triumvirs. Le chef est aussi celui qui défend le Mouvement contre le monde extérieur et qui incarne en même temps le lien avec ce monde extérieur. Unique source de pouvoir, tout subalterne procède de lui. A la différence du tyran ordinaire, le dictateur totalitaire s’identifie à ses subordonnés. Il incarne toujours les décisions les plus radicales, tout en souhaitant apparaître comme l’homme du juste milieu, à l’image de Staline au moment de la conquête du pouvoir.

Il dissimule ses intentions, met le minimum d’individus dans la confidence (les initiés),…autant d’éléments qui ressortissent de l’univers des sociétés secrètes, comme la vision d’une division dualiste du monde entre les « frères de sang jurés » et une masse indistincte, inarticulée, d’ennemis jurés.

La quête de la pureté raciale, imposée à 80 millions d’Allemands, aboutit à ce que chacun sorte de l’examen avec le sentiment d’appartenir à un groupe d’inclus qui se détachent sur une multitude imaginaire d’exclus, et « le même principe se voit confirmer dans le mouvement bolchevique par les purges à répétition dans le parti, qui réaffirment son sentiment d’inclusion à quiconque n’est pas exclu ».(H.A).

A l’univers des sociétés d’initiés ressortissent encore les rituels collectifs : grands défilés sur la Place Rouge ou journées du parti nazi à Nuremberg : « Au centre du rituel nazi se trouvait la prétendue « bannière du sang » et au centre du rituel bolchevique se trouve le cadavre momifié de Lénine, l’un comme l’autre introduisant dans la cérémonie un puissant élément d’idolâtrie » (H.A).

Avec Staline, c’est l’appareil de conspiration du parti révolutionnaire qui cesse d’être au service du parti pour prendre le pouvoir en tant que lui-même.. D’ailleurs, après la guerre civile, la Pravda déclare clairement que « la formule « tout le pouvoir aux soviets » était remplacée par : « Tout le pouvoir aux tchékas », c’est-à-dire à la police politique dont Staline, d’ailleurs, était issu.

Différence nazisme/communisme : « Le totalitarisme nazi débuta par une organisation de masse qui ne fut dominée que progressivement par les formations d’élite, tandis-que les bolcheviks commencèrent par les formations d’élite et organisèrent les masses en conséquence »(H.A).

Principe fondamental pour les organisations de mase : le mélange et/ou le balancement crédulité/cynisme. Du compagnon de route au leader, chacun sait que la politique est un jeu où l’on triche, et que le premier commandement du mouvement, « le Führer a toujours raison » est nécessaire pour réaliser les objectifs de la politique mondiale, c’est-à-dire la tricherie à l’échelle mondiale !! L’idéologie est faite pour la masse des non initiés ; pour les initiés des organisations d’élite, la croyance dans l’omnipotence et l’omniscience du Chef remplace le réel. En « libérant » l’Europe, les soldats de l’Armée Rouge vont quant à eux de désillusions en désillusions mais les officiers politiques restent stoïques car ils ont été formés à mépriser le réel.

La formation d’une élite (politique ou raciale) dispense de poursuivre l’action du seul point de vue idéologique (antisémitisme par exemple), ce qui explique qu’Hitler ait pu nouer des relations avec les Arabes et conclure des accords avec les Japonais. De même, côté bolchevique, la « lutte des classes » est devenue un simple procédé d’organisation comme l’antisémitisme dans le nazisme, ce qui permet là encore de passer des accords avec des Etats capitalistes. A ce stade, le Chef est utile, non plus comme un talisman, mais de par la fonction qu’il occupe dans le processus.

III/ LE TOTALITARISME AU POUVOIR.

Pour régler la contradiction entre idéologie universalisante, empire à vocation hégémonique et application nationale du programme politique, le totalitarisme use, côté communiste, de la thèse trotskyste de « révolution permanente » (idée de permanence du mouvement révolutionnaire née en 1905) et, côté nazi, du concept de « sélection raciale qui ne connaîtra jamais de trêve ».

1. Ce qu’on appelle Etat totalitaire.

Un Etat qui, au fil du temps, s’éloigne de ses objectifs révolutionnaires initiaux pour ne conserver qu’un pouvoir de terreur permanent. Cette terreur a d’ailleurs tendance à augmenter quand la « pacification » ou la « mise au pas du pays » est acquise : dans les années 1930 côté russe, pendant la guerre côté allemand. Très vite, les nazis ne tiennent même plus compte des décrets qu’ils promulguent dans la mesure où, comme le précise Hitler, « L’Etat total doit ignorer toute différence entre la loi et l’éthique ».

En URSS, la constitution de 1936 n’est rien d’autre que ce « voile de phrases et de promesses libérales jeté sur la guillotine qui se trouvait à l’arrière-plan » (ISAAC DEUTSCHER , « STALINE » ; 1949). D’ailleurs sa promulgation inaugure la gigantesque purge qui liquida l’administration en place (1936-1938). Pour H.A, à compter de ce moment, « la Constitution de 1936 joua exactement le même rôle que la Constitution de Weimar sous le régime nazi : on n’en tint aucun compte mais on ne l’abolit jamais ».

Système dualiste des Etats totalitaires avec un pouvoir apparemment partagé entre Etat et Parti, mais où l’Etat n’a que l’apparence d’un pouvoir normatif (chargé chez les nazis de protéger l’ordre capitaliste) et où le parti détient en fait l’autorité suprême sur toutes les affaires politiques. En Allemagne, chaque service administratif étatique possède son doublon dans le parti, d’où la coexistence entre « Länder » et « Gaue ». Les affaires étrangères ressortissent de trois autorités : la classique Wilhelmstrasse, le Bureau Ribbentrop et un Bureau SS chargé des « négociations avec les groupes de race germanique, de Norvège, de Belgique et des Pays-Bas ».

En général, un « Reichsleiter » (haut fonctionnaire du parti) ne doit pas être subordonné à un « Reichsminister » (haut fonctionnaire de l’Etat.

Côté soviétique, le gouvernement apparent ressortit du Congrès des Soviet que l’on conserve comme paravent mais le gouvernement réel appartient au Parti Bolchevique et surtout à la police secrète qui en émane. Afin d’épouser étroitement la structure mobile du mouvement, on déplace souvent le centre d’impulsion du pouvoir d’un appareil à l’autre, Hitler en gardant les personnels, Staline en les liquidant.

Pour les questions juives, savant systèmes d’écrans successifs : derrière les institutions d’Histoire du judaïsme ou de l’Allemagne moderne se cachent les Instituts de Munich et celui de Rosenberg à Francfort, lesquels dissimulent l’Office Central de Sécurité, subdivision de la Gestapo.

Idem en URSS : les compétences économiques, politiques et culturelles sont partagées entre le Soviet (appareil d’Etat), l’appareil du parti et celui du NKVD ! Le Soviet n’est qu’une apparence qui dissimule la puissance Parti, elle-même inférieure à celle de la police. Dans le système allemand, la hiérarchie est un leurre : tout le pouvoir appartient au Führer, terme et fonction qui ne peuvent avoir de pluriel ! En Allemagne comme en URSS, pas de clique dirigeante au sommet ce qui pose un problème de succession. Mais dès 1939, Hitler estime en « toute modestie » qu’il est « irremplaçable » !!

La guerre apparaît comme la solution à de nombreux problèmes ; on peut se ravitailler chez l’ennemi et elle permet l’accélération de la répression. Une répression peu productive toutefois puisque HANS FRANCK se plaindra de la non utilisation des Juifs de Pologne et d’Ukraine comme main d’œuvre. A partir de 1944, même la Wehrmacht se voit assigner des tâches d’extermination.

-Dimension temporelle « millénariste » et idéologie universaliste : voir le programme de l’Internationale communiste formulé par Staline dès 1928 au Congrès du Parti à Moscou. L’URSS y est promue au rang de « base pour le mouvement mondial, de centre de la révolution internationale, de facteur le plus important de l’histoire mondiale. En URSS, le prolétariat du monde acquiert pour la première fois une patrie… ». Ce qui permet au passage de confisquer à Trotski l’idée de « révolution mondiale » et de pouvoir critiquer son concept de « révolution permanente » jugée par Staline déstabilisante pour les bolcheviques.

-Le nationalisme : il est utilisé dans les deux camps pour renforcer le consensus autour des deux dictateurs.

-Les buts des programmes : on les affiche au départ pour fonder des organisations de masse ; ensuite, c’est inutile : « …une fois acquise la possibilité d’exterminer les Juifs comme des punaises au moyen de gaz toxiques, il n’est plus nécessaire de propager l’idée que les Juifs sont des punaises ; une fois acquis le pouvoir d’enseigner l’histoire de la révolution russe sans mentionner le nom de Trotski, la propagande contre Trotski devient inutile » (H.A.).

L’Etat totalitaire considère sa loi comme applicable partout, ce qui est cohérent à partir du moment où un plan de conquête du monde implique l’abolition de la distinction entre politique intérieure et politique extérieure ! Inversement, le conquérant totalitaire doit traiter son peuple aussi durement que s’il était un conquérant étranger. Agir en conquérant étranger chez soi vous confère une efficacité redoutable : la guerre que Staline mena contre l’Ukraine au début des années 1930 fut deux fois plus efficace que l’invasion et l’occupation allemande !

Le nombre total de morts russes en quatre années de guerre oscille entre 12 et 21 millions mais Staline extermine en une seule année en Ukraine environ 7 à 8 millions de victimes ; de son côté, la répression au Kouban, dans le Caucase et dans la basse vallée de la Volga fait 3 millions de victimes. D’ailleurs, le recensement de 1937 décompte 145 millions d’habitants contre les 171 attendus, soit un déficit de 26 millions, hors chiffres mentionnés plus haut !

Pour l’Etat totalitaire, le première richesse c’est l’homme au service du mouvement, pas les ressources naturelles ou les potentialités économiques : côté russe, la plus belle réussite c’est l’élite des cadres, c’est-à-dire en fait la police (NKVD). Hitler quant à lui sacrifie tout à l’encadrement des SS. Il se suicidera en avril 1945 quand il apprendra qu’on ne pouvait plus compter sur les troupes SS.

2. La police secrète.

-Séparation Etat-Parti.

-La police secrète comme outil de contrôle national/international car les « ramifications internationales de la police secrète sont les courroies de transmission qui transforment continuellement la politique étrangère affichée de l’Etat totalitaire en affaire interne du mouvement totalitaire » (H.A.). Dans un premier temps, la fonction de la police est de traquer les opposants, jusqu’en 1930 chez Staline, 1935 chez Hitler. Dans un second temps, la Terreur devient la « substance réelle des régimes totalitaires » (H.A.). URSS ou Allemagne, les formations d’élite du mouvement nazi et les « cadres » du mouvement bolchevique visent à « la domination totale plus qu’à la sécurité du régime » (H.A.). D’autant que la définition des ennemis du régime (Juifs ou ennemis de classe) préexiste à l’action policière.

-Le régime totalitaire poursuit des « ennemis objectifs », c’est-à-dire des gens qui sont « hostiles à l’Etat », alors que le régime autoritaire s’en prend à ceux qui sont « dangereux pour l’Etat ». Le premier passe d’ailleurs d’un ennemi « objectif » à un autre : du Juif au Polonais puis à certaines catégories d’Allemands chez Hitler ; des membres des classes dirigeantes au Koulak, puis au Tatar de Crimée ou au Juif après la guerre côté soviétique : le mouvement est perpétuel !

La police exécute l’application d’une ligne politique et perd toute fonction de coercition à l’égard des politiques comme dans un régime despotique.

-Dédoublement des services secrets : afin de pouvoir changer de ligne politique et prendre des décisions différentes !

-Le suspect est devenu « ennemi objectif » et l’on passe du crime possible à la faute suspectée. Les purges de 1936-1938 en URSS répondent sans doute chez Staline à la conviction d’une attaque contre lui qui affaiblirait l’Etat et contraindrait les conjurés à …traiter avec Hitler !

-De même que les polices non totalitaires vivent de l’exploitation de leurs victimes (jeu, prostitution…), de même le NKVD vit de l’exploitation du travail forcé. Idem côté nazi où on finance avec les biens des Juifs confisqués et l’exploitation des déportés, du moins jusqu’à la fin de la guerre où l’extermination ne répond plus qu’à des motifs irrationnels.

-Dans un système totalitaire, la population entière est suspecte car elle est composée d’individus qui pensent et peuvent le faire en discordance avec la ligne (fluctuante) officielle. Tout le pays est potentiellement suspect et chacun de vient « l’agent provocateur » de chacun. Ici, la purge régule l’avancement dans l’appareil et en assure le rajeunissement et la soumission. Avec un rare cynisme, Staline déclarait en 1939 que le parti avait pu promouvoir 500 000 jeunes bolcheviques ! Chaque « promu » grâce aux crimes du régime (à l’égard des Juifs ou des anciens apparatchiks) devient complice du crime et d’autant plus attaché au régime qu’il lui doit tout. Sans compter les purges programmées en permanence d’un pourcentage variable d’ennemis « objectifs ». Ainsi, le totalitarisme apparaît comme la négation totale de la liberté dans la mesure où ta liberté « est annihilée…si commettre un acte volontaire assure seulement un châtiment que n’importe qui d’autre pourrait subir de toute façon » (H.A).

-Détenir un secret fonde une élite qui ne trahira pas ce secret (les camps ou les catégories à abattre) car appartenir à l’élite dépend de l’appartenance à cette « société secrète » qu’est tout régime totalitaire.

-Elever un mur entre le monde totalitaire et les reste du monde afin de vivre dans un univers fictif. Compter en plus sur l’incrédulité du monde non totalitaire face aux crimes des systèmes totalitaires et sur la complicité des masses déracinées avec un système qui assure leur promotion au prix de l’extermination de pans entiers de la société.

(Nota De Cadenet : on comprend mieux en lisant ces lignes combien il devient alors difficile, voire insurmontable, pour un « adepte » de l’eschatologie révolutionnaire incarnée dans un Parti et une « patrie du socialisme » de rompre avec ce monde clôt, lisse et tissé de belles certitudes, au point de préférer l’aveuglement devant le réel ou la dénonciation de la réalité comme « contre-révolutionnaire » ou « petite bourgeoise ». Le communisme repose sur l’affectif plus encore que le fascisme et sur un sentiment d’appartenance matricielle à un groupe d’initiés persuadés d’être les dépositaires du secret de l’accession au Salut. Aussi sont-ils prêts à tous les sacrifices pour demeurer dans cette illumination).

3. Domination totale

Elle n’est possible que si « tout le monde sans exception peut être réduit à une identité immuable de réactions ». Cet objectif est atteint de deux manières :

a-par l’endoctrinement idéologique des formations d’élite.

b-par l’usage de la terreur absolue dans les camps.

Les atrocités pour lesquelles les formations d’élite sont utilisées deviennent l’application pratique de cet endoctrinement idéologique.

Aussi pour H.A les camps sont-ils la véritable institution centrale du pouvoir d’organisation totalitaire.

Plus le crime est grand, plus le témoignage de la victime est-il sujet à caution. Les déportés eux-mêmes ne croient pas, jusqu’au dernier moment, à la réalité de ce qu’ils subissent : « Je les ai vu les sélectionner encore incrédules, cinq minutes avant de descendre dans la cave du Krematorium » écrit DAVID ROUSSET, à propos de Birkenau dans « Les jours de notre mort » (1947).

-Ce monde de la mort ne finance que sa propre logistique de surveillance. En URSS, les camps de travail sont inefficaces car tout travailleur est de toutes manières assujetti à un lieu.

-Trois types de camps correspondants à trois états « irréels » de « vie après la mort » :

.Hadès : le camp pour personnes superflues.

.Purgatoire : les camps de travail soviétiques.

.Enfer : les camps d’extermination allemands.

Un point commun : les gens y sont traités comme s’ils n’existaient plus. Le camp leurs fait perdre toute personnalité juridique et les rabaisse au rang de droits communs auxquels ils sont d’ailleurs systématiquement mêlés afin de justifier l’incarcération par une même catégorie délictuelle. Les criminels forment d’ailleurs la véritable « aristocratie » du camp car ils savent pour leur part pourquoi ils sont incarcérés, ce qui leurs confèrent une personnalité juridique. Les pseudo-catégories dans lesquelles on est incarcéré cherchent en fait à court-circuiter tout sentiment de solidarité entre les détenus. Mais chacun finit par se raccrocher à une catégorie comme à un dernier vestige d’identité.

Mais le camp vous fait perdre votre personnalité morale : sans témoin, on ne peut se sacrifier pour donner un sens à sa mort. L’univers concentrationnaire organise l’oubli, en URSS par le biais des menaces pesant sur la famille d’un détenu si elle ne le désavoue pas. Côté nazi, on implique les victimes dans l’entreprise concentrationnaire (« Sonderkommandos » et « kapos ») afin de faire émerger une « fraternité de l’abjection » (D.ROUSSET).

« Le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont superflus. Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés, de marionnettes ne présentant pas la moindre trace de spontanéité » (H.A).

Il faut supprimer la conviction et la spontanéité et démontrer que l’homme est superflu en multipliant les purges et les exécutions de masse.

-Totalitarisme : donner un « sur-sens »à l’idéologie aboutissant aux « ismes » qui impliquent une dévotion aveugle à une foi simpliste. Parallèle avec le système de fonctionnement des malades mentaux qui partent d’une seule prémisse à partir de laquelle ils déroulent tout leur système de raisonnement.

-Il y a un mépris totalitaire de la réalité reposant sur le sur-sens idéologique qui donne à ce mépris sa force, sa logique et sa cohérence. Arendt choisit pour illustrer son propos l’exemple du métro de Moscou : « Ce qui constitue un édifice vraiment totalitaire, c’est, hormis l’affirmation bolchevique que l’actuel système russe est supérieur à tous les autres, le fait que le dirigeant totalitaire tire de cette affirmation la conclusion suivante, d’une logique impeccable : sans ce système les gens n’auraient pu construire quelque chose d’aussi merveilleux que, mettons, le métro. De là, il tire à nouveau la conclusion logique que quiconque connaît l’existence du métro parisien est suspect, car il peut amener les gens à douter que la politique bolchevique soit la seule possible. Ceci conduit enfin à la conclusion que pour demeurer un Bolchevik loyal, il faut détruire le métro parisien. Seule compte la cohérence ». (Tome III, p 276).

-Il faut détruire toute trace de la dignité humaine car respecter cette dignité c’est respecter les hommes comme des sujets capables d’imprévisibilité et de subjectivité. (Nota de Cadenet : ici,les deux dernières démonstrations de l’auteur s’imbriquent dialectiquement : la pensée totalitaire retourne la logique à son profit ; son hyper-subjectivité idéologique est transmutée en réalisme objectif, lui permettant d’accuser ses adversaires de…subjectivité, une subjectivité qu’en bon marxiste il qualifie de « petite-bourgeoise » par opposition à la cohérence et à la lucidité « prolétariennes ». Ainsi, Marx déclare-t-il dans le « Manifeste Communiste » qu’il faut « remettre l’Histoire sur ses pieds », c’est-à-dire considérer les fait économiques comme déterminant la pensée idéologique, et non l’inverse, alors que tout son système repose sur une pure construction idéologique, la théorie du « matérialisme historique ». Aussi pour reprendre l’allégorie arendtienne, un marxiste vous dira-t-il toujours que les « faits sont têtus », s’arrogeant le monopole du réalisme critique face à la subjectivité bourgeoise, alors qu’il est le premier à mépriser le réel. Quant un communiste constate que la réalité résiste à sa théorie et à son action révolutionnaire- à noter au passage qu’en marxiste pur il fonde en droit sa théorie en la faisant découler d’une pratique, la fameuse « praxis »-, il ne lui vient pas à l’idée de changer sa théorie, mais bien de…changer le réel ou de le forcer historiquement. Toute la politique de Terreur lénino-stalinienne découle de ce raisonnement).

-Le but des idéologies totalitaires est donc bien de changer la nature humaine.

IV/ IDEOLOGIE ET TERREUR : UNE FORME NOUVELLE DE GOUVERNEMENT.

Le totalitarisme est-il un produit de la crise de la démocratie ou un système original doté d’une essence propre ?

Il s’affranchit en tout cas des lois et de la légalité au nom de l’Histoire et des lois de la nature qui sont à ses yeux au-dessus des lois humaines. L’expérience totalitaire estime qu’elle « peut se passer du consensus juris parce qu’elle promet d’affranchir l’accomplissement de la loi de toute action et de toute volonté humaines ; et elle promet la justice sur terre parce qu’elle prétend faire du genre humain lui-même l’incarnation de la loi » (H.A).

A cet égard, Arendt note les parallélismes entre l’évolutionnisme darwiniste selon laquelle ne subsistent dans la nature que les plus aptes, et la loi de Marx selon laquelle l’Histoire n’est que le reflet de l’évolution des forces productives ce qui débouche sur les concepts d « ennemis de race » et d « ennemis de classe » chers à F.Furet (cf supra). De fait, il existe des espèces inférieures et des espèces supérieures comme il existe des classes supérieures et inférieures ; à ce stade, les lois du mouvement de la nature s’inscrivent dans une loi historique. Dans un régime totalitaire, les lois naturelles qui définissent les relations entre le Bien et le Mal sont remplacées par la terreur qui est chargée de donner réalité à la loi du mouvement historique ou naturel : « Si la légalité est l’essence du régime non tyrannique et l’absence de lois l’essence de la tyrannie, alors la terreur est l’essence de la domination totalitaire » (H.A).

La terreur « stabilise » les hommes pour libérer les forces de la nature ou de l’Histoire et aucun acte libre ne peut être toléré qui s’opposerait à l’élimination de « l’ennemi objectif » de l’Histoire ou de la nature, de la classe ou de la race. En découle le décret « d’inaptitude » à vivre des « classes agonisantes et des peuples décadents » (Idem). D’où le sentiment d’innocence des meurtriers qui estiment n’exécuter que des lois historiques ou naturelles. On ne cherche pas dans la démarche totalitaire le bien des hommes ou celui d’un tyran, mais la fabrication du genre humain et l’élimination de l’individu au profit de l’espèce. Il faut ici supprimer non seulement la liberté mais sa source qui réside dans l’individu unique capable « d’engendrer un nouveau commencement »

-Si, pour Montesquieu, le principe d’action est l’honneur dans une monarchie, la vertu dans une république et la crainte dans une tyrannie, dans un régime totalitaire on n’a pas besoin d’un principe d’action :

-1 : car il est donné dès le départ : c’est la terreur.

-2 : car le but du régime est d’empêcher l’homme d’agir.

L’idéologie : logique de l’Idée à partir d’une seule prémisse. Racisme et communisme ont dominé les autres idéologies au XIX° siècle car leurs principes de base (lutte de classes/lutte de races) étaient plus importants que ceux des autres idéologies.

Il semble toutefois que toute idéologie s’avère totalitaire car :

1 : en prétendant tout expliquer, elles nient le réel au profit du mouvement perpétuel de l’Histoire qu’elles estiment incarner.

2 : en faisant de la propagande un moyen de s’émanciper de l’expérience et de la réalité. Toute hostilité au sens d’opposition est alors considérée comme un complot ou une conjuration.

3 : en réduisant le réel à un processus que seule l’idéologie peut comprendre et qu’il faut donc intégrer pour parfaitement maîtriser les lois de la nature et de l’Histoire.

De fait, Hitler et Staline tiraient vanité, l’un de son « raisonnement froid comme la glace », l’autre du « caractère impitoyable de sa dialectique ». La cohérence et la « logique extrême » du raisonnement aboutissent à des conceptions comme celles qui consistent à avancer qu’une « classe moribonde » est condamnée à mort et que les races qui sont « inaptes à vivre » doivent être exterminées.

Le principe d’action de l’idéologie totalitaire, c’est sa logique inhérente et elle mise sur la tyrannie du système logique pour l’imposer aux masses. L’autocontrainte de la pensée idéologique ruine toute relation avec la réalité. De fait, le sujet idéal de la pensée totalitaire n’est pas le militant convaincu, mais celui pour qui la différence entre fait et fiction, entre vrai et faux, n’existe plus !

Arendt conclue sur l’isolement et la désolation de l’homme des sociétés totalitaires : quand l’homme perd la possibilité d’ajouter quelque chose à l’œuvre humaine, notamment dans nos sociétés régies par le seul Travail, où seul demeure ce pur effort de travail, c’est-à-dire l’effort pour rester en vie et où le rapport au monde comme création humaine est brisé. Quand l’homo faber devient l’homo laborans, l’isolement (des sociétés tyranniques) devient la désolation des sociétés totalitaires.

Dans cette désolation, l’homme se raccrochera donc à la logique et à la cohérence du « raisonnement froid comme la glace » et du « tentacule puissant » de la dialectique. Il n’est alors plus possible de revenir à la solitude productive de toute pensée. Reste que toute « fin » de l’Histoire porte en elle un nouveau commencement qui, avant de devenir un événement historique, est la suprême capacité de l’homme.

« Initium ut esset homo creatus est » nous dit Saint-Augustin, c’est-à-dire : pour qu’il y eût un commencement, l’homme fut créé.

OLIVIER MILZA DE CADENET.

ADDITIF HISTORIQUE A PROPOS DU CONTEXTE DE MONTEE EN PUISSANCE DU PCF SOUS LA QUATRIEME REPUBLIQUE (CHRONOLOGIE).

Olivier MILZA de CADENET

(Histoire contemporaine)

LA FRANCE DE LA IV° REPUBLIQUE (Chronologie/Bibliographie).

1944 -3 juin : G.P.R.F sous la présidence de DE GAULLE, il représente l’autorité de l’Etat, aux côtés du CNL (Bidault) incarnant les forces politiques issues de la résistance. En janvier, discours de BRAZZAVILLE de de GAULLE sur l’UNION FRANCAISE.

-9 septembre : gouvernement « d’unanimité nationale ».

-28 octobre : dissolution des Milices patriotiques. Fondation des C.R.S (Compagnies républicaines de sécurité). Dernière « liste noire » d’écrivains proscrits établie par le CNE (Conseil National des Ecrivains), dont Giono, Montherlant, Céline, Paul Morand…

-24 novembre : fondation du Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.).

-ELSA TRIOLET obtient le prix Goncourt pour « Le premier accroc coûte deux cent francs ».

1945- 22 février : création des Comités d’entreprise. Le 6, exécution de Robert Brasillach, auteur de « Notre avant-guerre ».

-Fondation des « Temps Modernes », autour de JEAN-PAUL SARTRE et première mention du « devoir d’engagement » des intellectuels.

- avril : démission de P.M.F de son poste de ministre de l’Economie nationale. A sa politique d’austérité, de Gaulle a préféré l’emprunt d’Etat préconisé par René Pleven, ministre des finances pour juguler l’inflation.

-2 septembre : HO-CHI-MINH proclame à Hanoï la République démocratique du Vietnam.

-Ordonnances des 4 et 19 octobre instaurant la Sécurité sociale. Création du C.E.A (Commissariat à l’Energie Atomique) et de l’I.N.E.D. (Institut National d’Etudes Démographiques). Michel DEBRE fonde l’E.N.A (Ecole Nationale d’Administration).

-21 octobre : Elections législatives et referendum sur son pouvoir constituant. PCF et SFIO ont la majorité absolue à l’Assemblée.

-13 novembre : l’Assemblée désigne à l’unanimité de Gaulle comme chef du gouvernement.

-25 décembre : dévaluation du franc qui perd les 2/3 de sa valeur d’avant-guerre.

1946-janvier : création du Commissariat Général au Plan dirigé par JEAN MONNET. Le 20, de Gaulle démissionne de son poste de chef du gouvernement Il est remplacé par le socialiste Félix GOUIN. Le 23, SFIO, MRP et PCF signent la CHARTE DU TRIPARTISME.

-6 mars : Accords Sainteny-Ho-Chi-Minh sur une « Fédération indochinoise » dans l’Union Française.

-5 mai : les Français votent « non » au premier projet de Constitution qui donnait l’essentiel du pouvoir à une seule Assemblée. Accords Blum-Byrnes (mai).

-2 juin : aux élections législatives, percée du MRP. PCF et SFIO perdent la majorité absolue. GEORGES BIDAULT devient chef du Gouvernement.

-16 juin : DISCOURS DE BAYEUX du général de Gaulle qui préconise un système bicaméral, une nette séparation des pouvoirs et un exécutif fort.

-août : Daniel Mayer, Secrétaire Général de la SFIO est remplacé par GUY MOLLET, garant de l’orthodoxie marxiste.

-13 octobre : les Français acceptent par referendum le second projet constitutionnel par 53% des suffrages exprimés.

-10 novembre : élections législatives. Le PCF reprend la I° place, devant le MRP et la SFIO.

- Le Mouvement Démocratique de la Révolution Malgache remporte les élections locales à MADAGASCAR.

Le 16 décembre, LEON BLUM forme le dernier gouvernement provisoire.

-23 novembre : bombardement d’Haïphong. Début de la guerre d’Indochine.

-25 novembre et 8 décembre : élection du Conseil de la République.

-Le préambule de la Constitution le droit d « égal accès à tous » à la culture.

1947- en janvier, PAUL RAMADIER, Président du Conseil, sollicite de l’Assemblée un second vote de confiance en faveur de ses ministres, inaugurant le mécanisme de la « double investiture » qui réduisit l’indépendance du chef du Gouvernement et allongea la durée des crises ministérielles. Le 16, VINCENT AURIOL ( socialiste) est élu Président de la République au Congrès de Versailles par 452 voix contre 242. Le PCF obtient le portefeuille de la Défense mais chacune des trois armes est confiée à un ministre non communiste. Le 4 mai, députés et ministres communistes votent contre la question de confiance : RAMADIER REVOQUE LES MINISTRES COMMUNISTES.

-mars : à la question posée au Français dans un sondage, « une nation cherche-t-elle à dominer le monde », l’URSS n’est placée devant les USA qu’avec 1 point de distance ».

-avril-mai : crise gouvernementale : les ministres communistes sont révoqués par décret.

-avril-juin : crise sociale, grèves chez Renault puis dans le secteur privé.

-Fondation du R.P.F.

-PLAN MARSHALL

-à MADAGASCAR, répression du mouvement nationaliste par le gouverneur Chevigné et le général Garbay. (Entre 80 000 et 100 000 morts).

-octobre : le R.P.F obtient 40% des suffrages aux élections municipales.

-19 novembre : démission de Ramadier et cabinet SCHUMAN avec JULES MOCH à l’intérieur.

-fin novembre : 3 millions de grévistes.

-18 décembre : fondation de la CGT-FO.

ANDRE GIDE obtient le prix Nobel de littérature.

Fondation du Festival d’Avignon par Jean VILAR.

1948« Coup de Prague » en février et début du blocus de Berlin.

- Création de l’OECE.

- En août, au Congrès des Intellectuels pour la Paix, l’écrivain soviétique Fadeïev dénonce les intellectuels bourgeois qualifiés de « hyènes dactylographes» (Malraux,Sartre…).

En septembre, le boxeur MARCEL CERDAN devient champion du monde des poids moyens en battant l’Américain Tony Zale.

- De septembre 1948 à octobre 1949, « long » cabinet QUEUILLE (radical).

- SARTRE publie « Les mains sales ».

-Création de la Direction de la Jeunesse et des Sports.

1949en avril, signature du Pacte Atlantique. Naissance du CONSEIL DE L’EUROPE.

Septembre : naissance du Kominform.

Décembre : 70° anniversaire de Staline.

- Fin du rationnement.

1950en août, deux mois après le début des hostilités en COREE, les sympathies des Français vont à 52 % aux Américains contre 13% aux Soviétiques.

ROGER NIMIER publie « Le Hussard bleu ». La « Cantatrice chauve » de IONESCO.

Le « Club Méditerranée » inaugure sa formule de vacances « clé en main ».

1951CECA. (avril).

-juin : élections législatives selon la loi des « apparentements ». Percée du CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans ») de René DUCHET.

- août : cabinet RENE PLEVEN.

- 28 septembre : loi BARANGE.

- Le peintre FOUGERON, proche du PCF, expose « Le pays des mines ». Jean VILAR relance le TNP (Théâtre National Populaire) fondé par Firmin Gémier au début des années 1920.

1952 –la SFIO entre dans l’opposition et renverse le cabinet PLEVEN.

- Julien Duvivier tourne le premier « Don Camillo » avec Fernandel et Gino Cervi.

-6 mars : investiture du gouvernement Pinay. Fin de la « III° Force ».

-mai : la France signe le projet de CED. Manifestations anti-américaines. Arrestation de Jacques DUCLOS (PCF).

- MATISSE peint la « Tristesse du roi » (série des papiers collés).

-ROGER CAILLOIS (1913-1978) fonde la revue « Diogène » dans le but d’inciter les savants de tous les pays à cesser de fonctionner en vase clos et à s’extraire de leur tour d’ivoire pour réagir, en penseurs, aux interrogations de leur temps.

1953- De janvier à mai, cabinet RENE MAYER. Cabinet JOSEPH LANIEL (juin 1953-juin 1954).

-Le 18 mars, le secrétariat du PCF dénonce le portrait de Staline peint par Picasso et publié dans les « Lettres Françaises ».

-« En attendant Godot » de SAMUEL BECKETT .

-Le couronnement d’Elisabeth d’Angleterre est retransmis en « eurovision ».

Henri Filipachi lance « Le Livre de Poche ».

–août : la France fait détrôner le sultan Mohammed ben Youssef au Maroc. Grèves dans la fonction publique et le secteur nationalisé.

- novembre : PIERRE POUJADE prend la tête d’une UDCA.

- décembre : élection de RENE COTY à la présidence de la République.

19547 mai : défaite française à DIEN-BIEN-PHU.

– juin : début du cabinet MENDES-FRANCE.

- 20 juillet : accords de Genève sur l’indépendance de l’Indochine.

-août : le Parlement refuse de discuter le projet de CED.

-octobre : traités de Londres et de Paris reconnaissant la souveraineté de l’Allemagne.

- 1° novembre : vague d’attentats en Algérie (« Toussaint rouge »).

Les Mandarins » de SIMONE DE BEAUVOIR obtient le prix Goncourt et FRANCOISE SAGAN publie « Bonjour tristesse ». La radio « Europe I », émettant depuis la

Sarre, fait son apparition, portée par la campagne de l’abbé Pierre en faveur des sans-abris

Durant le rude hiver 1954-1955.

1955- 5 février : renversement du cabinet MENDES-FRANCE. Cabinet EDGAR FAURE jusqu’en décembre 1955. En mai, principe de l’autonomie interne pour la Tunisie. Le 2 décembre, Edgar Faure dissout l’Assemblée Nationale.

-RAYMOND ARON publie « L’opium des intellectuels ».

1956 – janvier : élections législatives. Investiture de GUY MOLLET.

- 6 février : « Journée des tomates » pour Guy Mollet à Alger.

-14-21 février : XX° Congrès du PCUS et rapport KHROUCHTCHEV .

-mars : indépendance de la TUNISIE. Le 12, Mollet obtient les pleins pouvoirs en Algérie.

-mai : signature d’EURATOM. Indépendance du MAROC.

–juin ; « Loi-cadre des territoires d’outre-mer » de GASTON DEFFERRE.

- octobre : arrestation du leader indépendantiste algérien BEN BELLA.

Les opinions favorables à l’URSS tombent à 12%.

1957 – janvier : bataille d’Alger.

- 25 mars : TRAITE DE ROME fondant la CEE.

- 21 mai : chute du cabinet GUY MILLET.

- Novembre : cabinet FELIX GAILLARD.

1958 -15 avril : renversement du cabinet Gaillard.

- 13 mai : Comité de Salut Public à Alger et investiture de PIERRE PFIMLIN.

- 15 mai : de Gaulle prêt a « assumer les pouvoirs de la République ».

- 24 mai : les paras venus d’Algérie contrôlent la Corse.

- 28 mai : manifestation de la gauche à Paris pour la défense de la République.

- 29 mai : René Coty demande à de Gaulle de former un gouvernement.

- 1° juin : gouvernement DE GAULLE investi par 329 voix contre 250.

- 2 juin : DE GAULLE obtient les pleins pouvoirs.

- 3 juin : DE GAULLE est chargé de préparer une nouvelle Constitution qui devra être approuvée par referendum.

- Il y a 600 000 postes de télévision en France.

BIBLIOGRAPHIE

-Pour les questions politiques, on peut se reporter à JEAN-FRANCOIS SIRINELLI, « La France de 1914 à nos jours » collection Quadrige, aux PUF.

-Pour ce qui est des phénomènes de culture, d’économie et de société, deux ouvrages en particulier offrent des synthèses efficaces et assez exhaustives :

-JEAN-PIERRE RIOUX, « La France de la IV° République » (Seuil).

-SERGE BERSTEIN et PIERRE MILZA, « Histoire de la France au XX° siècle », (Complexe).

Le cinéma s’étant trouvé au cœur de la Guerre froide, mais aussi à la confluence de la sociologie, de la politique et de l’art, on pourra parcourir le livre de RAYMOND CHIRAT, « La IV° République et ses films », chez Hatier.

Quelques conseils de lectures d’environnement culturel.

-Jean-Paul Sartre ; « Les chemins de la liberté ».

-Louis Aragon, « Les communistes ».

-Albert Camus, « Les Justes », à comparer avec « Les mains sales » de Sartre.

-Antoine Blondin, « L’Europe buissonnière ».

-Samuel Beckett, « En attendant Godot ».

-Marguerite Duras, « Un barrage contre le Pacifique ».

-Michel Butor, « La Modification ».

-François Mauriac, « Le bloc-notes », ensemble d’articles parus dans l’Express et édité récemment.

-Raymond Aron, « Guerre et paix entre les nations »

BIBLIOGRAHIE et FILMOGRAPHIE LAZAR.

BIBLIOGRAPHIE.

-THEODORE ZELDIN ; Histoire des passions françaises.

-H.LE BRAS et EMMANUEL TODD ; L’invention de la France.

-HANNA ARENDT ; Les origines du totalitarisme. Tome III : Le système totalitaire.

-FRANCOIS FURET ; Le passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XX° siècle.

-ANNE TRISTAN ; Au front.

-OLIVIER MILZA ; Immigration et politique en France.

-STEPHANE COURTOIS ; Le livre noir du communisme.

-WILLIAM T. VOLLMANN ; Central Europe.

-ERNST NOLTE; La guerre civile européenne.1917-1945.

-ROBERT PAXTON ; la France de Vichy.

-ARAGON ; Le cycle du « Monde réel » et en particulier Les communistes.

-JEAN FERRAT ; Discographie reprise après sa mort.

-WILLY RONIS et ROBERT DOISNEAU : albums photos chez différents éditeurs. Se reporter surtout au Poche-photo de la collection ACTES SUD, « Le Front populaire » avec des textes de JEAN LACOUTURE.

-PIERRE SANSOT ; Les gens de peu.

-OLIVIER FILLIEULE et DANIELLE TARTAKOWSKY ; La manifestation.

FILMOGRAPHIE.

On se reportera aux films que j’ai cités dans l’étude, mais aussi à la très bonne mise au point de RAYMOND CHIRAT, « Le cinéma français des années 1950 » aux éditions Hatier.




1 commentaire:

Paul Marcel a dit…

Capitaine, ici ancien matelot, ai enfin vu Usual Suspects! A ce sujet, quand relancez-vous ciné-club à ISTH? Amitiés; stop.